Éditorial de « La France Socialiste » du 28 janvier 1944

BNF

Pour une politique

socialiste

 

Une importante nouvelle pour les lecteurs de « La France Socialiste ».

 

Hubert Lagardelle devient, dans une rédaction politique élargie, le premier de nos collaborateurs.

Est-il besoin de souligner la portée de cet événement ?

 

Tous nos lecteurs connaissent Hubert Lagardelle, les uns pour avoir été ses compagnons de lutte, ou ses adversaires de tendance, aux temps héroïques de l’unité socialiste française ; les autres – les jeunes surtout – pour l’avoir découvert depuis 1940 alors que la double confiance du Maréchal et du Président Laval l’avait appelé au ministère du Travail.

 

Hubert Lagardelle au premier rang des collaborateurs de « La France Socialiste », c’est la conclusion logique de l’effort que nous avons entrepris depuis plus de deux ans et que nous sommes fiers d’avoir pu mener à sa conclusion d’aujourd’hui malgré les circonstances difficiles.

 

Quel était en effet notre but ?

Apporter la preuve, en dégageant le socialisme et le syndicalisme du poids des contingences politiques qui, au cours de ces dernières années, les avait singulièrement affaiblis, qu’en eux résident presque exclusivement les seuls espoirs de renaissance de la nation meurtrie.

 

Nous avons tout d’abord donné tout notre concours à l’effort de regroupement des forces éparses du syndicalisme et c’est, en effet, dans « La France Socialiste » que les secrétaires de fédérations, de syndicats ou d’unions départementales ont lancé leurs appels. Grâce à eux, la Charte du Travail naissante a trouvé dans le syndicalisme une base que nul des responsables successifs du ministère du Travail ne songerait ni à nier ni à discuter.

 

De ce regroupement ouvrier devait, à notre sens, jaillir l’idée de l’inéluctable nécessité du socialisme, pour faire sortir de nos ruines morales et matérielles un Etat fort, dont enfin les droits du travail fussent la loi première.

 

Aussi abordons-nous, une fois révolue la deuxième année de notre existence, la seconde partie de notre tâche : dégager une doctrine socialiste, profondément et ardemment française, courageusement adaptée aux circonstances, afin que, la paix revenue, il n‘y ait aucune solution de continuité entre l’Etat déliquescent d’hier, l’Etat empirique d’aujourd’hui et l’Etat socialiste de demain, sans lequel la France risquerait de perdre son droit à l’existence de grande nation.

 

Par l’autorité que lui confère son expérience, par le développement de sa pensée, Hubert Lagardelle est mieux que quiconque capable de promouvoir l’unité, selon nous, essentielle entre le socialisme revendicatif d’hier et le socialisme constructif de demain, le syndicalisme étant la seule voie sûre par laquelle pourra s’instaurer le socialisme.

 

Il n’est, pour s’en convaincre, que de relire les numéros de la revue « Le Mouvement Socialiste » qu’au début de ce siècle fondait Hubert Lagardelle et à laquelle collaborait toute une équipe ouvrière depuis Fernand Pelloutier, l’animateur des Bourses du Travail jusqu’à Victor Grifuelhes, l’artisan de la première C.G.T.et tous les secrétaires des grandes fédérations ouvrières.

 

C’était l’époque où Lagardelle couronnait ses études de droit par une thèse toujours actuelle sur « l’évolution des syndicats ouvriers en France ». Et notre éminent camarade tout en parcourant l’Europe, passant presque une année entière en Allemagne, professant à Paris -aux Sociétés Savantes, au Collège Libre des Sciences Sociales – puis à Bruxelles, faisant enfin des séries de conférences sur les idées sociales en France, le socialisme et le syndicalisme ; en Italie, en Autriche, en Hongrie, en Bulgarie, en Roumanie, etc.

 

En même temps sa personnalité s’affirmait au sein du parti socialiste en France. Rappelons pour mémoire ses émouvantes controverses avec Guesde et Vaillant au Congrès de Nancy de 1907, avec Jaurès au Congrès de Toulouse en 1908, toujours sur le thème des rapports du socialisme et du syndicalisme parce qu’il entendait dégager ce dernier de l’emprise purement politique sous laquelle certains éléments du parti socialiste tentaient de l’étouffer.

Plusieurs années après la Grande Guerre, chargé de mission auprès de notre ambassade de Rome, il fit un long séjour d’études en Italie, suivit pas à pas la marche du syndicalisme et du corporatisme et publia une série d’articles dont ou trouve notamment la trace dans l’« Encyclopédie française » et « Les Documents français ».

 

1939, la guerre, la défaite, l’armistice. Hubert Lagardelle est appelé au ministère du Travail en 1942, ses efforts patients et persévérants, « La France Socialiste » les a décrits, jour après jour, en suivant son action opiniâtre pour réaliser la Charte du Travail.

 

Syndicalistes et socialistes ne l’honoreront jamais trop pour le courage dont il fit preuve en acceptant cette mission. Certes. Il connaissait les imperfections fondamentales de la loi qu’il allait avoir à appliquer, mais il la concevait susceptible, par son potentiel révolutionnaire, d’assurer plus de justice et de bien être aux travailleurs.

 

Après des mois de travail et de lutte, force lui fut de reconnaître que l’incompréhension des uns, l’opposition sourde des autres, les attaques ouvertes auxquelles se livrait contre lui la réaction alliée aux trusts rendaient son activité stérile.

Hubert Lagardelle est donc volontairement rentré dans le rang.

 

Quarante ans après avoir fondé « Le Mouvement Socialiste », il revient dans la presse, au combat socialiste, pour tenter de dégager par une action quotidienne la doctrine qui permettra de construire l’Etat socialiste de demain.

Magnifique exemple de courage, et quelle leçon pour tous ceux de nos camarades qui se réfugient dans un attentisme sans grandeur !

Les évènements de juin 40 ont laissé les socialistes français désorientés et leur désarroi était celui de tous nos compatriotes. Ils se seraient sans doute ressaisis si le silence des chefs n’avait accentué leur dispersion.

Les faillites politiques successives de l’avant-guerre, 1939 et la défaite ont démontré la nécessité de recréer une opinion socialiste qui, instruite par l’expérience, tienne compte des réalités contemporaines.

 

Aujourd’hui, devant la réaction capitaliste et la menace bolcheviste, nos camarades ont à faire publiquement et définitivement leur choix.

 

Georges DAUDET

Article publié dans La France Socialiste du 28 janvier 1944

accompagné d’une photo d’Hubert Lagardelle

« Note » non datée adressée par G. Daudet courant 1945 aux magistrats de la Cour de justice de la Seine

AN Z/6/417, extrait 4221, pièce 25

Les accents inexistants dans l’original dactylographié ont été rétablis, quelques mots tronqués complétés, le reste en l’état.

 

NOTE CONCERNANT

Affaire DAUDET Georges

né le 11 mars 1902 à Chaillac Indre

Ajout manuscrit :

1939-1940

Capitaine AUCHER service géographique de l’Armée (suite de la ligne illisible)

Lieutenant SIBILLAT actuellement service géographique de l’Armée

 

Démobilisé le 16 août 1940, DAUDET recherche situation qu’il ne trouve pas.

Attend des mois puis fin novembre 1940, rencontre FARGE un des membres d’une coopérative ouvrière lequel l’informe qu’il recherche pour un journal dont il est l’un des associés un administrateur-gérant.

LA FRANCE AU TRAVAIL. Le journal s’appelait LA FRANCE AU TRAVAIL société à responsabilité limitée et avait pour associés FARGE – HAMEL et PICARD.

DAUDET accepte le poste administratif qui lui est offert à la condition qu’il obtienne des 3 associés carte blanche pour tenter l’éviction de l’équipe pro-nazie du journal et son remplacement par une équipe indiscutablement française.

Les 3 associés ayant accepté DAUDET entre en fonctions et commence à mettre les comptes en ordre, l’équipe pro-nazie c’étant livrée à un pillage en règle de la caisse. Puis il engage la bataille contre l’équipe rédactionnelle dont le chef était Georges OLTRAMARRE dit Charles DIEUDONNE.

DAUDET assuré du concours de René SAIVE et Paul ACHARD remplace Charles DIEUDONNE par ce dernier et toute l’équipe par une nouvelle équipe de L’ORDRE et de CE SOIR. Le ton du journal change aussitôt.

Citons parmi les limogés DUVAL, Jean DRAULT, Paul Julien COURTINE… etc. (ajout manuscrit : COSTON)

Mais financièrement l’affaire était mauvaise, le titre grevé d’une lourde hypothèque.

Par ailleurs la présence d’un journal qui fasse échec au reste de la presse paraissait souhaitable.

 

C’est dans ces conditions que furent demandés des fonds à Pierre LAVAL pour la création d’un grand journal populaire tout entier attaché à la cause ouvrière. L’équipe rédactionnelle de base était toute trouvée, c’était celle de la FRANCE au TRAVAIL avec comme chef de file PAUL ACHARD.

 

LA FRANCE SOCIALISTE. Le lancement du journal se prépare, tout est en bonne voie, lorsque coup sur coup deux exigences des autorités viennent saper le travail entrepris.

Exigence N°1. Robert BOBIN rédacteur en Chef au lieu et place de Paul ACHARD

Exigence N°2. Création d’une Direction politique avec comme titulaire René CHATEAU et d’un poste de Directeur Général adjoint titulaire DESPHILIPPONS et entrée avec eux de toute l’équipe politique de FRANCE EUROPE dont ils étaient les dirigeants.

Ces exigences émanant des Allemands rendaient suspectes au premier chef les personnes précitées. Il y avait deux solutions. Ou bien tout lâcher ou bien accepter pour se débarrasser ensuite des Messieurs Imposés. On s’en tint à cette dernière, l’adjoint de Paul ACHARD restant en place, René SAIVE prenant le Secrétariat Général du journal.

Le journal fut lancé le 10 novembre 1941. Dans le mois qui suivit toute l’équipe politique de FRANCE-EUROPE avec DESPHILIPPONS était liquidée.

Restait René CHATEAU et Robert BOBIN.

Six mois plus tard, ce fut le tour de René CHATEAU à la succession duquel après quelques mois fut appelée Hubert LAGARDELLE.

Restait Robert BOBIN qui malgré tous les efforts de DAUDET se maintint jusqu’à la fin.

A noter que DAUDET n’avait que des fonctions administratives malgré son titre de Directeur Général. Les Directeurs politiques successifs ayant été René CHATEAU et Hubert LAGARDELLE.

A noter également que malgré cela il ne se fit jamais faute de faire à CHATEAU les remontrances qui s’imposaient moins pour ses articles signés que pour les éditoriaux FRANCE SOCIALISTE qui étaient son œuvre. Idem à Robert BOBIN pour la composition des titres, l’importance qui leur était attribuée, le choix et la couverture des reportages, dans la mesure toutefois où la censure n’avait rien imposé et où il était impossible de discuter ou de tricher avec elle.

 

L’EFFORT. Au cours de l’année 1942 apprenant que les Allemands allaient par le truchement de l’ex-parlementaire Paul RIVES mettre la main sur le journal l’EFFORT journal socialiste dirigé par SPINASSE et paraissant à Lyon, DAUDET fait à ce journal sur la caisse de la FRANCE SOCIALISTE l’avance de fonds nécessaire pour lui éviter de sombrer et par la suite acquiert pour la FRANCE SOCIALISTE la majorité des actions de ce journal.

En lutte constante dans ce journal avec Paul RIVES dont il souhaitait se débarrasser ce qu’il ne réalisa que plus tard, il chargea d’abord le correspondant de VICHY de la FRANCE SOCIALISTE M. Pierre PIBUCHOT puis M. René SAIVE de représenter à LYON la Direction Générale et de mener la guerre à Paul RIVES en pré-censurant ses articles en les différant, en usant de tous moyens couvrant ses 2 représentants de son autorité.

Puis Paul RIVES liquidé la Direction Générale fut confiée à M. Bernard ENZIER qui la détint jusqu’à la fin.

A noter que Paul RIVES s’avouait le protégé des Allemands, qu’il s’en glorifiait et menaçait fréquemment les collaborateurs du journal et DAUDET de leur faire avoir des « histoires » avec les Allemands. Il avait d’ailleurs plusieurs créatures à lui dans la maison. Découvert par DAUDET l’une d’elles fut remerciée. L’autre ne lui fut connue que plus tard après fin de parution du journal.

 

ACTION PERSONNELLE DE DAUDET DANS CES 3 journaux.

  • à LA France AU TRAVAIL Liquidation de toute l’équipe pro-nazie dont il est fait mention plus haut et dont le chef était Georges OLTRAMARRE, dit Charles DIEUDONNE, et son remplacement par une équipe de L’ORDRE et de CE SOIR dont entre autres 2 représentants RENE SAIVE et PAUL ACHARD sont actuellement collaborateurs et pourraient apporter leur témoignage :

Un fait entre autres pour souligner l’action de DAUDET. Ayant appris par Paul ACHARD que des rédacteurs du journal avaient apposé des croix gammées sur les murs de la salle de rédaction, il fit réunir tous les rédacteurs et en présence de Paul ACHARD les informa qu’il remercierait les responsables s’ils étaient découverts et ceux qui se livreraient à l’avenir à des démonstrations de cet ordre.

  • à LA FRANCE SOCIALISTE Se refusa à faire de la publicité à l’exposition anti-bolchevique, se refusa à prendre la publicité de DORIOT – en une seule fois pour plus de cent mille francs etc… Délivra de faux certificats de Travail, au frère d’un de ses collaborateurs AUCOUTURIER, à un agent secret Georges VENTILLARD, à un jeune étudiant André SAUZIN, évita de justesse l’envoi comme travailleur en Allemagne d’un masseur officiel de la Fédération de Cyclisme STRABONI. Intervint pour son chef correcteur communiste avoué et reconnu arrêté par la police française, fait payer ses appointements à sa femme pendant jusqu’à sa libération qu’il n’obtint que par une lettre de DAUDET se portant garant pour lui (ajout manuscrit : Pierre CAMUS, actuellement rédacteur à l’Humanité)

Inspire les articles de CHATEAU contre SUAREZ et DEAT.

Obtient la liquidation des Messieurs Imposés – BOBIN exclu-

Sous le couvert de deux manifestations sportives le CIRCUIT DE FRANCE course cycliste en 6 étapes 1700 km en 1942 et le LE CIRCUIT DE BELGIQUE, la première organisée et financée par son journal, pour la seconde la participation nationale étant assurée et financée toujours par son journal essaie de faire revivre et de perpétrer la tradition sportive nationale en exaltant les sentiments français. Idem pour PARIS-BRUXELLES 1943.

  • à l’EFFORT combat l’action pro-nazie de Paul Rives directement ou par l’intermédiaire de ses représentants. Fait payer à la femme du pointeur du journal arrêté pour distribution de tracts anti-nazis – BLITZ – ses appointements pendant son incarcération, n’interrompt que sur injonction des autorités allemandes alertées par RIVES, mais s’inscrit en tête de liste d’une souscription faite en faveur de la femme de BLITZ

 

ACTION AU GROUPEMENT CORPORATIF DE LA PRESSE à PARIS

Combat l’action de LUCHAIRE à de nombreuses reprises. En particulier refuse de laisser insérer un communiqué traitant les alliés de puissances ennemies.

Président de la Commission de Concentration Industrielle, en réalité destinée comme les autres commissions à fournir de la main d’œuvre aux Allemands ne la réunit que 2 fois en plusieurs mois sans qu’il résulte de décision favorable de ces réunions. Délègue aux représentants ouvriers toujours en place ses pouvoirs de contrôle dont ils usèrent au mieux des intérêts ouvriers. (ajout manuscrit : BAZIGNAN et LARGENTIER)

Discute pied à pied de cette concentration lorsqu’elle affecte en particulier le journal. Obtient une première fois gain de cause et une seconde en partie gain de cause, puisque, après avoir gardé son imprimerie il obtient de garder tout son personnel.

Refuse d’associer sa signature au fameux manifeste politique et de presse par lequel passant par-dessus le gouvernement du Maréchal un certain nombre d’hommes politiques et de Directeurs de journaux demandaient aux Allemands de contraindre le Maréchal à une politique en fait nationale-socialiste.

 

Note non datée, signée DAUDET, 181 rue Legendre.

Déclaration (non datée) à la Police Cantonale du Valais (entre le 20 et le 30 septembre 1947)

Archives fédérales suisses, AF, E 4320(B) 1991/243/133, dossier C.13.2383

 

Canton du Valais

Police Cantonale

Déclaration de DAUDET Georges Adrien Valentin, fils de Adrien et de Valentine Beauret, originaire de Chaillac/Indre (France), né le 11 mars 1902 à Chaillac, marié à Madeleine Brugnon, administrateur, dom. 181 rue Legendre, Paris 17ème

 

Je suis né le 11 mars 1902 à Chaillac/Indre (France). Mon père, décédé en 1933, exerçait la profession d’architecte. J’ai suivi mes classes primaires à Chaillac et mes études primaires supérieures à St-Benoît du Sault/Indre. Dès 1920, mes parents ne pouvant subvenir à mes besoins, j’ai suivi, par correspondance, des cours de conducteur de travaux publics et suis entré dans les entreprises, d’abord comme commis, puis conducteur de travaux et ingénieur-adjoint d’une société de produits Hydrofuges dénommée « La Callandrite », avenue de l’Opéra à Paris. J’ai exercé mon activité dans cette entreprise jusqu’en 1934. De 1934 à 1936, toujours comme conducteur de travaux, j’ai été engagé par la maison Desplat & Lefèvre dont le siège social est à proximité de la Madeleine à Paris.

C’est à partir de l’année 1936 que j’ai commencé à collaborer à la rédaction et à l’administration de journaux anti-communistes tels que « La Voix de l’Est Parisien » et « La Victoire ». C’est en 1938 que pour la première fois je suis entré en relations avec M. LAVAL. L’activité précitée a pris fin au début des hostilités, soit en août 1939.

J’ai mobilisé à St-Cloud au 61ème groupe autonome d’artillerie, compagnie du capitaine Aucher. J’ai été démobilisé vers le 15 août 1940 à Mauléon/Basses-Pyrénées. J’ai regagné Paris le 15 août de la même année.

Vu la situation, j’ai eu beaucoup de peine à me reprocurer du travail. Ce n’est que le 1er décembre 1940 que j’ai été engagé, comme administrateur, du journal quotidien « La France », dirigé par M. Fontenoix, alors journaliste. Il s’agissait d’un journal collaborationniste modéré. J’ai occupé cette place jusqu’au 1er novembre 1941. En mai 1941, à la demande de M. LAVAL, j’ai accepté le titre de directeur général (fonctions administratives seulement) du nouveau journal « La France socialiste », journal républicain destiné à ce moment-là à donner des informations pures, sans commentaires, à l’exclusion de toute politique pro-nazie. Peu de jours après les débuts de l’apparition de ce journal, sur la pression des autorités allemandes pour autant que je le sache, il a été désigné un directeur politique dénommé René Château, ancien député. En 1943, ce dernier a été remplacé par M. Hubert Lagardelle, ancien Ministre du Travail sous le Cabinet LAVAL. J’ai occupé les fonctions citées plus haut jusqu’à la Libération de la France.

Le 21 décembre 1943, j’ai contracté mariage avec Madeleine Brugnon, née en 1921, domiciliée à ce moment-là chez ses parents, rue de Vanves, 133, Paris 15ème. Depuis 1941, cette dernière fonctionnait comme secrétaire au journal « La France ». De cette union sont nés deux enfants, Jean-Louis né le 30.1.1942, et Jacques né le 4.11.1944.

Ma famille réside actuellement à Paris, 180 rue Legendre. Elle n’a jamais été inquiétée par les Autorités françaises.

Pour ce qui me concerne, avant la guerre, j’ai toujours été un républicain indépendant. Pendant la guerre, je n’ai jamais donné mon adhésion à aucun des partis politiques qui ont été constitués pendant l’occupation. Je me suis toujours tenu à l’écart des dîners, réunions et manifestations de toute nature dans la presse, sauf dans des réunions corporatives où je représentais mon journal et défendais les intérêts matériels en même temps que ceux du personnel placé sous mes ordres. J’ajoute que ma femme possède une attestation établie par M. Camus, rédacteur actuel de « l’Humanité », précisant que je me suis porté garant pour lui pour le faire sortir de prison en 1943, que je n’avais, à sa connaissance, jamais tenu des propos pro-nazis ou manifesté des sentiments du même ordre en aucune façon.

Etant donné les menaces faites à la radio de Londres concernant les collaborateurs de tous les journaux ayant paru sous l’occupation, et sur les conseils de M. Ventillard, éditeur de journaux, à Paris, rue Blanche, je me suis réfugié chez lui dès la libération et pendant une quinzaine de jours. Je me suis réfugié dès lors chez des amis jusqu’au 15 septembre 1947 date à laquelle j’ai franchi la frontière franco-suisse à Ambilly/France. Je possédais à ce moment-là en tout et pour tout frs. 3.000.- français.

A Genève, j’ai logé dans différents hôtels de la ville, toujours sous le nom de Maleine Georges, nom d’emprunt de la Légion. Dès mon entrée en Suisse, j’ai cherché à entrer en relations avec M. Jardin, ancien chargé d’affaires à l’Ambassade de France à Berne, que je connaissais personnellement. Ce n’est que le 20 septembre qu’ayant trouvé son adresse, j’ai pris contact avec lui dans la villa qu’il occupe à Pully/Vaud. Sur ses indications, je me suis présenté ce jour auprès de M. Aymon, Chef du bureau cantonal des Etrangers à Sion.

Si j’ai décidé de venir me réfugier en Suisse c’est que depuis le 5 septembre 1947 je suis cité à comparaître par devant la Cour de Justice, à Paris. J’ai été au courant de cette citation par l’intermédiaire de ma femme qui a reçu la convocation et avec laquelle j’étais toujours en relations. Je me sais recherché actuellement et inculpé pour intelligence avec l’ennemi. L’on me reproche d’avoir dirigé un journal pendant l’occupation allemande. Si j’ai gagné la Suisse c’est parce que dernièrement, le rédacteur en chef du journal « La France Socialiste », par conséquent technicien sans responsabilités, a tout de même été condamné à 8 ans de travaux forcés. J’ajoute encore que M. Lagardelle, directeur politique du même journal, a été lui condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Pour votre orientation, je précise que dès le 5 janvier 1945 et jusqu’à la mi-août 1946 j’ai servi aux Forces françaises libres, 13ème demi-brigade de la Légion étrangère, sous le nom de Maleine Georges. J’ai signé cet engagement pour prouver que j’étais un bon Français et dans l’espoir que cela m’aiderait à prouver ma bonne foi.

Je ne suis actuellement porteur d’aucun papier prouvant ma véritable identité. Je puis les avoir assez rapidement car ils sont au domicile de ma femme.

Je ne possède que quatre pièces prouvant mon passage à la Légion. Etant donné la partialité actuelle des tribunaux français, je demande à ce que l’on veuille bien m’accorder l’hospitalité en Suisse jusqu’à ce que puisse intervenir une solution juste pour ce qui concerne mon cas. Je suis disposé à effectuer le travail que l’on m’assignera.

 

L’agent :                                                                                                        L’interrogé :

Procès-verbal d’audition par le Ministère Public Fédéral suisse (30 septembre 1947)

Archives fédérales suisses, AF, E 4320(B) 1991/243/133, dossier C.13.2383

 

Sion, le 30.9.1947,

Police de sûreté.

MINISTÈRE PUBLIC FÉDÉRAL

Service de Police

N° C.13.2382.

Procès-verbal d’audition

Se présente

 

DAUDET Georges-Adrien-Valentin, de feu Adrien et de Valentine BEAURET, né le 11.3.1902 à Chaillac (Indre), allié à Madeleine née BRUGNON, administrateur, de nationalité française, dom. à Paris, 181, rue Legendre (17ème.)

 

D.-       Avez-vous, avant ou durant la guerre, appartenu à un quelconque· parti politique ?

 

R.-       En 1924, j’ai adhéré au parti nationaliste « Le Faisceau » à la tête duquel se trouvait Georges VALLOIS, actuellement, si je ne me trompe, éditeur à Paris, ainsi que Philippe BARRES, directeur actuel de « Paris Presse », résidant à Paris. Un troisième personnage se trouvait parmi les membres dirigeants de ce groupement politique. Il s’agit de Philippe LAMOUR, qui est maintenant secrétaire général de la Confédération générale de l’Agriculture française. Ce parti n’a eu qu’une existence éphémère, des dissensions étant survenues entre les chefs et l’organisation manquant totalement de fonds. L’activité de ce parti se borna à des manifestations anti-herriotistes au moment de la chute du franc français en 1924. Le président Herriot était à ce moment à la tête du Gouvernement. Je n’ai, autrement, jamais appartenu à un parti politique.

 

D.-       Quand et dans quelles circonstances avez-vous fait la connaissance ou êtes-vous entré en contact avec Georges OLTRAMARE, dit Dieudonné ou Karl Diodatti ?

 

R.-       J’ai vu OLTRAMARE pour la première fois dans les bureaux du journal « La France au Travail », 142 rue Montmartre. Ceci se passait vers la fin novembre 1940. J’avais, à ce moment, été chargé par le Président LAVAL de reprendre la direction, ou plutôt l’administration, du journal. Le Président LAVAL tenait absolument à procéder au nettoyage de toute l’équipe OLTRAMA.RE, parce qu’il voulait créer un journal apolitique qui serait en mesure de contrebalancer l’influence d’autres journaux qui se montraient réellement par trop germanophiles. Je connaissais LAVAL depuis 1938 sauf erreur. Je lui avais été présenté à l’époque par un ancien député de Montreuil, près de Paris, M. Paul PONCET, qui avait été battu dans sa circonscription, lors des élections de 1936, par Jacques -DUCLOS, l’actuel secrétaire du Parti communiste français. Au cours de la campagne électorale de 1936, j’avais aidé PONCET à combattre la candidature DUCLOS. Ce furent les raisons qui engagèrent PONCET à me faire connaître à M. LAVAL. Depuis ce moment, je suis resté en contact avec ce dernier.

En date du 15.8.1940, alors que je venais d’être démobilisé et de rentrer à Paris, je me suis rendu dans la Haute-Vienne pour rendre visite à ma mère. J’ai profité de mon voyage dans cette région pour aller dire bonjour à M. LAVAL, qui était à ce moment à Vichy. Etant sans travail, M. LAVAL me laissa entendre qu’il me préviendrait lorsqu’il aurait connaissance de quelque chose. Comme je vous le dit plus haut, il me pria en novembre 1940 de reprendre en main « La France au Travail ».

Je n’avais aucune connaissance en matière de technique journalistique. J’étais bien en mesure de rédiger un papier et j’étais très bien versé dans les questions d’administration de sociétés. J’avais, en effet, travaillé dans une société de fractionnement de la Loterie nationale française. J’occupais dans cette société le poste de secrétaire général. En arrivant à « La France au Travail », je me suis d’abord occupé de remettre un peu d’ordre dans la maison, puis de faire le bilan des opérations financières. OLTRAMARE était encore présent à ce moment. Mes compétences se bornaient aux questions purement administratives. Dans le but d’éliminer OLTRAM.ARE, j’ai commencé par recommander à ce dernier M. René SAIVE en qualité de rédacteur.

Dieudonné agréa cette candidature. SAIVE fit entrer à son tour l’un de ses amis du journal « L’Ordre », M. Roger BOUVARD. Quelques temps après, ceci par l’intermédiaire de SAIVE, je faisais entrer en qualité de rédacteur en chef adjoint de la « France au Travail », M. Paul ACHARD, qui était également journaliste à l’Ordre. Ce dernier doit avoir pris ses fonctions en janvier ou février 1941. ACHARD prit aussitôt en main la partie technique du journal, ceci en plein accord avec moi.

ACHARD avait préalablement été informé par moi que l’objectif que nous nous proposions était de liquider OLTRAMARE et toute son équipe. ACHARD s’employa de suite à trouver de nouveaux collaborateurs, pour que ceux-ci soient bien en place en vue de remplacer l’équipe OLTRAMARE, au moment où nous aurions la possibilité de nous passer de ses services. Dans cet ordre d’idée ACHARD engagea des gens tels que M. Elie RICHARD, qui était avant la guerre journaliste et chef des informations au journal « Ce Soir », Charles RUEN, du même journal, Jean LEUILLOT, etc. Nos relations avec OLTRAMARE devenaient toujours de plus en plus tendues, nous en arrivâmes à ne plus nous parler. Un beau soir, alors qu’OLTRAMARE était au marbre en train de vérifier sa copie, je lui remis de la main à la main, en présence d’ACHARD, de SAIVE et de tout le personnel, qui avait été prévenu, sa lettre de congédiement que j’avais moi-même rédigée et signée. OLTR.AMARE n’eut, sur le moment, aucune réaction. Il ne fit que mettre ma lettre dans sa poche et partit. Le lendemain, dans l’après-midi, OLTRAMARE me fit apporter une lettre de l’Ambassade d’Allemagne, lettre signée par ACHENBACH, par laquelle on me donnait l’ordre, de façon courtoise, d’avoir à réintégrer OLTRAMARE dans ses fonctions. Pour autant que je me souvienne, j’ai montré cette lettre à SAIVE et à ACHARD. J’ai pris connaissance de la lettre en question devant l’envoyé d’OLTRAMARE qui attendait dans sa voiture, une Citroën traction avant, devant les bureaux, en compagnie de Jean DRAULT, Henri COSTON, Julien COURTINE et peut-être SAINT-SERGE, soit les fidèles de l’équipe OLTRAMARE. Le porteur de la lettre était un échotier d’un périodique parisien qu’OLTRAMARE avait l’intention de faire entrer à la « France au Travail », s’il avait pu revenir. C’est du moins ce que le journaliste en question me déclara lui-même. Le billet qui m’avait été remis spécifiait encore qu’ACHARD devrait être liquidé. Je ne voudrais pas certifier que cette injonction figurait sur la lettre d’ACHENBACH, mais en tous cas sur un papier qu’OLTRAMARE avait joint au billet d’ACHENBACH. Je répondis au porteur que je n’avais aucune raison d’obéir à l’ordre qui m’était donné et que si par surcroît, OLTRAMARE voulait malgré tout remettre les pieds dans les bureaux, je le ferai jeter dehors.

Le lendemain, c’est à dire le soir même où OLTRAMARE était venu devant les bureaux de « La France au Travail » avec ses amis, je recevais une invitation téléphonique de me rendre à l’Ambassade le lendemain matin. Je répondis à mon interlocuteur qu’il était inutile que je me rende à l’Ambassade, que cette entrevue ne pourrait en aucun cas me faire revenir sur ma décision, que je n’avais fait qu’exécuter les ordres du Président LAVAL, mais que par courtoisie je voulais bien donner suite à son invitation.

Le lendemain, au cours de l’entrevue que j’eus à l’Ambassade avec ACHENBACH et un autre fonctionnaire allemand, ceci en présence d’OLTRAMARE, ce dernier me reprocha en particulier d’avoir fait entrer au journal des gens, tels qu’ACHARD et SAIVE, qui saboteraient la politique de collaboration franco­ allemande et qui avaient travaillé à des journaux de gauche, tels que l’Ordre et le Soir, journaux qui s’étaient volontairement sabordés au moment de l’arrivée des Allemands à Paris. Au moment où OLTRAMARE me fit ces reproches, ACHENBACH me demanda si ces gens venaient bien des journaux en question. Je lui répondis par l’affirmative en lui faisant remarquer que nous les avions engagés régulièrement, que la Propaganda­staffel n’avait élevé aucune objection, pas plus d’ailleurs que le Groupement corporatif de la Presse et que les messieurs nouvellement engagés ne faisaient l’objet d’aucun interdit de la part des Autorités allemandes. D’autre part, je faisais remarquer que SAIVE et ACHARD n’étaient que des techniciens de la profession et que nous n’avions nullement besoin de rédacteur politique. Devant mon attitude intransigeante, ACBENBACH me demanda d’accepter les papiers d’OLTRAMARE jusqu’à ce qu’il ait eu l’occasion d’examiner la question avec le Président LAVAL. OLTRAMARE nous fit effectivement parvenir un ou deux articles, dont le dernier fut volontairement mutilé, ce qui engagea l’intéressé à cesser toute collaboration à « La France au Travail ».

Je n’ai dès ce moment jamais plus revu OLTRAMARE et partant, je n’ai plus eu de relations avec lui.

Depuis l’entrevue à l’Ambassade avec ACBENBACH, on me laissa tranquille. Ceci était peut-être dû au fait que le Président LAVAL intervint directement auprès des Autorités allemandes. Néanmoins, OLTRAMARE déposa une plainte auprès du Groupement corporatif de la Presse pour renvoi ou licenciement abusif.

Je fus peu après convoqué devant le Comité directeur du Groupement corporatif qui me demanda des explications au sujet du licenciement d’OLTRAMARE. Je répondis que l’intéressé n’avait pas été engagé régulièrement, que, par surcroit, s’il portait le titre de rédacteur en chef, il n’en exerçait pas les fonctions, se bornant à préparer son éditorial politique et que par ailleurs, le journal ne lui versait pas d’appointements.

En effet, depuis le 1er décembre 1940 jusqu’au moment où il quitta « La France au Travail », je ne lui ai jamais versé un centime, exception faite du remboursement de quelques petites notes de frais peu élevées. Je n’ai jamais su de quoi il vivait. Je savais qu’il collaborait à la radio, mais je ne sais pas si cela lui permettait de vivre. Pour ce qui me concerne je suis resté à « La France au Travail » jusqu’en date du 1er novembre 1941, tout en m’occupant de la mise au point de la Société Populaire d’Edition et d’impression. J’ai dès ce moment abandonné complètement « La France au Travail » pour me vouer exclusivement à « La France socialiste », qui juridiquement n’avait rien à voir avec l’autre journal. J’ai choisi les meilleurs éléments de « La France au Travail » pour monter « La France socialiste », c’est à dire SAIVE, RICHARD, RUEN, BOUVARD, LEUILLOT, pour ne parler que du personnel de la rédaction. « La France au Travail » cessa de paraitre le ler.11.1941 et le premier numéro de « La France socialiste » sortit de presse le 12.11.1941. Les nouveaux bureaux se trouvaient 30, Rue de Gramont et le journal était imprimé chez Delion, rue du Croissant. L’argent pour ce nouveau journal avait été fourni au départ par le Président LAVAL. Le journal devait être apolitique et c’était dans cette seule condition que j’en avais accepté la direction. Mais au bout de très peu de temps, les Allemands intervinrent et exigèrent de LAVAL que des articles politiques y fussent publiés, notamment par René CHATEAU et Francis DESPHILIPONT, dirigeants du mouvement « France Europe » et membres du Comité directeur du parti de Marcel DEAT. Je déclarai au Président LAVAL que je ne pouvais continuer à assumer la responsabilité effective de la direction du journal et je demandai à ce que le responsable de la partie politique, René CHATEAU, ait une délégation de pouvoir comme directeur politique, ce qui fut fait. J’étais en somme le directeur général du journal, mais à fonction administrative exclusivement. Hubert LAGARDELLE succéda à René CHATEAU dans les mêmes conditions, comme directeur politique. Je suis resté à « La France socialiste » jusqu’à la parution de son dernier numéro, soit en date du 12 ou 13 août 1944, si je ne fais erreur. Pour la suite, je m’en réfère à ma première déclaration. Je tiens néanmoins à souligner que je n’ai jamais pris part à aucune assemblée de presse en dehors des réunions professionnelles.

 

D.-       Savez-vous si OLTRAMARE appartenait à un service allemand ?

 

R.-       Je ne suis pas en mesure de vous renseigner dans ce domaine.

Je n’ai pas suffisamment connu l’intéressé pour pouvoir affirmer quelque chose dans cet ordre d’idée. D’autre part le Président LAVAL qui était certainement au courant de beaucoup de chose ne m’a jamais fait une quelconque allusion dans ce domaine. Je sais simplement qu’il ne cachait pas ses sympathies pour le IIIème Reich.

 

D.-       N’avez-vous jamais émargé aux fonds secrets ?

 

R.-       Non jamais, mais il est par contre entendu que « La France socialiste » toucha son capital initial du Président LAVAL. Mais le journal une fois lancé n’a jamais touché un centime de personne. L’examen de la comptabilité prouve d’ailleurs qu’il était largement bénéficiaire.

 

D.-       Avez-vous quelque chose à ajouter ?

 

R.-       Tous les papiers que j’ai remis à la Police cantonale valaisanne au cours de mon premier interrogatoire étant au nom de MALEINE Georges, mon nom d’emprunt de légionnaire, je vous remets aujourd’hui ma carte d’identité établie à mon véritable nom.

D.-       Avez- vous au cours des entretiens que vous avez inévitablement dû avoir avec OLTRAMARE, entendu que celui-ci ait fait des réflexions quelconques sur le compte de la Suisse ?

R.-       Jamais.

 

Fait à Sion, le 30 septembre 1947.

Le personnel de Police : MINISTERE PUBLIC FEDERAL

 

Service de Police :

Müller, insp.

Lu et confirmé : signé : Daudet

 

Explications sur l’affaire Bernheim

Archives privées

Lettre de 1955

« En 1940 juste avant la date de mise en exécution des lois sur l’expropriation des biens juifs, sachant que je devais me rendre en zone libre pour y rencontrer mon patron, un certain L me demanda de lui rendre un précieux service. Il ne s’agissait de rien moins que d’emporter avec moi pour les faire signer au juif au tapis du salon, des actes de transfert de propriété pour ainsi sauver les biens dudit juif. Ce que je fis. Inutile de dire que si j’avais été pris au passage de la zone cela aurait pu me coûter cher. Je pense que tu sais que je n’ai pas reçu un centime pour cette affaire en dehors du tapis du salon qui fut ensuite réclamé par l’intéressé. Quoi qu’il en soit les biens dudit juif furent préservés pendant toute la durée de l’occupation ce qui permit à celui-ci et au dénommé L de gagner pendant cette période un nombre respectable de millions 1940-44.
Aussi n’ai-je eu aucun scrupule lorsqu’au moment de mon départ en voyage en 1944, le sieur L qui connaissait ma situation financière, me dit que son patron (le juif en question) et lui avaient contracté une dette envers moi et qu’ils entendaient s’en acquitter. Il suffirait me dit-il de t’adresser à lui le moment venu et c’est sur sa suggestion, et me dit-il pour te mettre à l’aise, qu’il suggéra l’idée d’un dépôt. Je sais comment il s’est acquitté de sa dette et avec quelle délicatesse, et je sais aussi par un autre camarade qui m’en avisa à l’époque ce que je dois penser d’autre chose.

J’ajoute que le même juif réfugié à Bâle jusqu’en 1944 où il a toujours de puissants intérêts dans de nombreuses sociétés, vint me voir à Neuilly. Et je termine en précisant que lorsque je lui demandai de m’aider pour venir ici, il prit une mine contrite en me disant qu’une intervention était chose délicate, qu’il était navré, mais que… C’est tout. (…) Inutile de te dire que j’ai déjà eu l’occasion de dire au dénommé L ce que je pense de lui. »

Tentative d’extorsion de fonds de 1938 – Jugement du 16 décembre 1941

Archives de Paris, D1U6 3832

Jugement rendu le 16 décembre 1941

par le Tribunal correctionnel de la Seine

(13ème chambre)

 

Pour le Procureur de la République

 

et pour

 

la Société anonyme Les Grandes Marques Réunies agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué le sieur Godeau Hubert, élisant domicile au siège de ladite société, 19 rue Jean Beaufou (?) à Paris 7

 

contre

 

  • Libre, Daudet Georges, Adrien, Valentin, 39 ans, ingénieur, né le 11 mars 1902 à Chaillac arrondissement de Le Blanc, Indre, fils de Adrien et de Valentine Beaudet, célibataire, demeurant à Paris 9 Cité du Retro.
  • Libre, Vernay Pierre, Théodore, Robert, 32 ans, employé de commerce, né le 1er mars 1909 à Limace, Chili, fils de Pierre et de Thérèse Berquin, marié deux enfants demeurant à Paris 77 boulevard Beaumarchais nationalité Française.
  • Libre, Jeanne Vernay née Perrin Suzanne, 36 ans, sans profession, née le 24 décembre 1905 à Saint Quentin, Aisne, mariée deux enfants demeurant à Paris 77 boulevard Beaumarchais

 

Tentative d’extorsion de fonds, complicité

 

Le Tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi,

 

attendu que Daudet est poursuivi pour avoir tenté d’extorquer au sieur Godeau une somme de dix-neuf mille cinq cents francs et les époux Vernay pour complicité de tentative d’extorsion de fonds,

 

attendu que les époux Vernay nient toute complicité et sollicitent leur relaxe,

 

attendu que Daudet, tout en reconnaissant certains faits, nie avoir demandé à Godeau une somme quelconque, en tout cas soutient qu’il a agi avec bonne foi et non dans une intention délictuelle ou même dolosive,

 

attendu que le sieur Godeau, administrateur délégué de la société anonyme Les Grandes Marques Réunies sollicite du tribunal la condamnation des prévenus au paiement d’une somme de un franc au titre de dommage intérêts,

 

au fond,

 

attendu qu’il résulte de l’information et des débats que le sieur Godeau, chirurgien-dentiste, administrateur délégué de la société anonyme Les Grandes Marques Réunies reçut le trois septembre mille neuf cents trente-huit, alors qu’il se trouvait en Savoie, un télégramme anonyme ainsi conçu : « Pour affaire urgente G.M.R. prière vous tenir cabine Chapelle de quatorze heures trente à quinze heures (sic) », que à l’heure dite un correspondant inconnu l’informa que des choses graves nécessitaient sa présence à Paris,

 

attendu que le lendemain, quatre septembre, Godeau reçut dans ses bureaux le sieur Daudet, agent d’affaires et journaliste, qui lui déclara que des voyageurs ou représentants de la société usaient de malversations et de manœuvres coupables auprès de la clientèle pour vendre du vin et lui remit une note détaillée résumant les griefs formulés par certains clients,

 

attendu que cette note comportait en sous-titre « des irrégularités tombant sous le coup des lois pénales … tromperie remarquée … tromperie constatée … menaces de plaintes collectives » et comme conclusion « j’estime qu’aujourd’hui avec le dossier tel que je l’ai constitué et la promesse formelle de témoignages de trente-deux autres clients de cette maison, que j’ai vus, un (?) il nous est possible d’entreprendre une action dont l’issue n’est pas douteuse, en même temps nous communiquerions votre dossier à la presse, ce qui nous vaudrait certainement des centaines de lettres… J’essaierai d’abord d’obtenir un arrangement amiable faute de quoi nous ferons le nécessaire pour déposer une plainte collective avec constitution de partie civile … P.S. à titre indicatif je vous signale que nous nous appuierons pour le dépôt de notre plainte sur les décrets … et les lois des 1er août 1905, 18 juillet 1912 … etc. »,

 

attendu que quoiqu’il l’ait nié, les dépositions de Marcovitch passées à la police et réitérées à l’instruction appuyant les déclarations de la partie civile, Daudet exigea verbalement de Godeau le versement d’une somme de dix-neuf mille cinq cents francs pour règlement des préjudices prétendus occasionnés aux clients dont il se disait le mandataire,

 

attendu que Daudet a fait suivre cette demande d’argent de deux pneumatiques comminatoires dont l’un, celui du six septembre mille neuf cent trente-huit contenait ces lignes « faute pour vous d’en terminer ce jour même avant dix-huit heures par un accord amiable je me verrai dans l’obligation d’utiliser les pouvoirs qui nous ont été confiés aux fins de dépôt de plainte avec constitution de partie civile »,

 

attendu que Daudet en est resté là après le silence et l’abstention opposées par Godeau à ces mises en demeure et qu’il n’a pas donné suite aux démarches faites par lui,

 

attendu que Daudet aurait été mandaté par un sieur Nicolas, client des Grandes Marques Réunies, mais qu’il ne résulte d’aucun des documents produits qu’il l’ait été par d’autres clients, qu’il s’est donc paré d’un titre qu’il n’avait pas pour entamer les pourparlers menaçants dont s’est plaint Godeau,

 

attendu que Daudet a été renseigné par quelqu’un au courant des usages de la société et qu’il est reconnu qu’il était en relations suivies et amicales avec le sieur et la dame Vernay, que la dame Vernay a été pendant longtemps chef-comptable des Grandes Marques Réunies et qu’elle nie, ainsi que son mari, avoir fourni à Daudet le moindre renseignement, tant sur la marche des affaires que sur les noms des clients, qu’en tout cas la preuve n’a pas été rapportée que Vernay qui occupait un poste subalterne de la société ait documenté utilement Daudet et qu’à supposer que lui ou sa femme aient fourni des renseignements à Daudet, il n’est pas démontré qu’ils aient agi dans l’intention de s’associer à une mesure de chantage à l’égard de Godeau, ou d’y participer en connaissance de cause,

 

attendu enfin et pour en terminer avec les actes de complicité reprochés aux époux Vernay par la prévention, que le télégramme du trois septembre 1938 émane de Daudet et non point de Vernay, ainsi qui y concluent deux des trois experts en écriture commis pour examiner au point de vue graphologique l’original du télégramme,

 

attendu que Daudet a donc bien menacé par écrit et verbalement Godeau de révélations et d’imputations de nature à le déconsidérer en tant qu’administrateur délégué de la société, qu’à l’aide de cette menace il a tenté d’obtenir la remise par Godeau d’une somme de dix-neuf mille cinq cents francs et qu’il importe de savoir s’il a agi dans un but de cupidité illégitime,

 

attendu à cet égard qu’il est certain que la somme réclamée n’était pas due et que la question n’a pas à se poser de savoir si elle pouvait correspondre à un montant total de préjudices éventuels dont auraient eu à souffrir certains clients des Grandes Marques Réunies que Daudet, quoiqu’il prétende, n’avait aucune qualité pour aboutir à des versements d’argent dont la taxation était faite d’office et d’autorité par lui seul,

 

attendu que Daudet, homme intelligent, n’a pas pu se méprendre sur la partie des menaces qu’il adressait à Godeau et qu’à supposer que des clients de la société des Grandes Marques Réunies aient eu de justes motifs de se plaindre des agissements de la société il n’appartenait pas à Daudet d’user de menaces dans le but d’arriver au versement d’une somme d’argent,

 

attendu toutefois que Daudet n’a pas mis ses menaces en exécution et qu’il a pu dans une certaine mesure, mal inspiré qu’il était incontestablement, croire toutefois que son action de justicier était légitimée par les circonstances, ce qui est de nature à lui faire octroyer le bénéfice de très larges circonstances atténuantes,

 

Par ces motifs déclare le délit de complicité de tentative d’extorsion de fonds non établie à l’encontre des époux Vernay, en conséquence Relaxe Vernay et la femme Vernay et les renvoie des frais de la poursuite sans dépens,

 

déclare par contre Daudet coupable d’avoir de Paris en mille neuf cent trente-huit ( ?) de menaces écrites et verbales de révélations ( ???) diffamatoires, tenté d’extorquer la remise de fonds du sieur Godeau, la dite tentative manifestée par un commencement d’exécution n’ayant été suspendue et n’ayant manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, délit prévu et puni par les articles ( ?) et 400 du code pénal ( ??) application des articles précités dont lecture a été donnée par le ( ?) et qui sont ainsi connues, tentative de crime manifestée par un commencement d’exécution si elle n’a été suspendue et si elle n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur est considérée comme le crime même, les tentatives de ( ?) ne seront considérées comme ( ?) que dans les cas prévus par une disposition spéciale de la loi 400. Quiconque à l’aide de la menace écrite ou verbale de révélations ou d’imputations diffamatoires aura extorqué ou tenté d’extorquer soit la remise de fonds ou valeurs soit la signature ou la remise des écrits ( ?) sera puni d’un emprisonnement ( ??)

 

condamne Daudet à Cinquante francs d’amende, statuant sur les conclusions de la partie civile condamne Daudet par toutes voies de droit et même par corps à payer au sieur Godeau es qualité la somme de Un franc au titre de dommages intérêts, condamne Daudet aux dépens lesquels sont liquidés savoir : pour ceux prélevés sur la consignation la somme de quatorze francs cinquante centimes et pour ceux avancés par le Trésor la somme de trois mille cinq cent trente francs trente centime plus sept francs cinquante centimes pour droits de poste, fixe au minimum la durée de la contrainte par corps s’il y a lieu de l’exercer.

Tentative d’extorsion de fonds de 1938 – Arrêt de la Cour d’appel du 11 mars 1943

Archives de Paris, 31W55

Arrêt rendu le 11 mars 1943

par la Cour d’Appel de Paris

chambre correctionnelle

 

Entre les nommés

 

  • DAUDET Georges, Adrien, Valentin, né le 11 mars 1902 à Chaillac (Indre) de Adrien et de Valentine Beaudet, ingénieur, Paris 9 rue du Retro
  • VERNAY Pierre, Théodore, Robert, né le 1er mars 1909 à Limace (Chili) de Pierre et de Thérèse Berquin, employé de commerce, Paris 77 Bd Beaumarchais
  • PERRIN Suzanne épouse Vernay, née le 24 décembre 1905 à Saint-Quentin (Aisne) de Fernand et de Jeanne Déjoue, sup., Paris 77 Bd Beaumarchais

 

Prévenus, libres, défendeurs, intimés, Daudet appelant, comparants.

Daudet assisté de Me A. Berthon

d’une part

 

Et M. le Procureur de la République au Tribunal de la Seine plaignant, demandeur, appelant

Et la Société Anonyme des Grandes Marques Réunies agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué le sieur Godeau Hubert élisant domicile au siège de ladite société 19 rue Jean Beausert ( ?) à Paris.

Plaignant, demandeur, partie civile, intimé, représenté par conclusions de Me Starck avocat

d’autre part

 

En présence de M. le Procureur général

Le dénommé Daudet le 24 décembre 1941 et le Ministère public à la même date et tous les prévenus ont relevé appel d’un jugement rendu le 16 décembre 1941 par le Tribunal Correctionnel de la Seine (13ème ch.) par lequel et par les motifs y exprimés le Tribunal a relaxé Vernay et la dame Vernay des fins de la poursuite sans dépens, et a déclaré Daudet coupable de tentative d’extorsion de fonds, délit commis à Paris en 1938 prévu et puni par les articles 2, 3, 401 du Code Pénal et par application des articles précités, combinés toutefois à raison des circonstances atténuantes avec l’article 463 du Code Pénal, a condamné Daudet à cinquante francs d’amende.

Et statuant sur les conclusions de la partie civile

a condamné Daudet par toutes voies de droit et même par corps à payer au sieur Godeau es qualité la somme de un franc à titre de dommages-intérêts.

L’a condamné aux dépens lesquels sont liquidés à savoir : pour ceux prélevés sur la consignation à la somme de 14,50 francs, et pour ceux avancés par le Trésor à 3530,30 francs plus 7,50 francs pour droits de poste,

A fixé au minimum la durée de la contrainte par corps.

L’affaire portée à l’audience publique de la Cour au 21 janvier 1948, à l’appel de la cause Me Starck,

Ouï M le Conseiller Roussel en son rapport, Daudet et Vernay en leurs moyens de défense, Me ( ?) avocat de Daudet en ses conclusions et plaidoirie et l’affaire a été renvoyée au 18 février 1943 en ( ?)

Et à l’audience publique de la Cour du 18 février ouï la dame Vernay en ses moyens de défense, Me Clark avocat de la partie civile en ses conclusions et plaidoirie et M. Céride substitut de M. le Procureur Général en ses réquisitions et l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 11 mars 1943.

Et à l’audience publique de la Cour de ce ( ?) 11 mars 1943 composée comme à l’audience publique du 21 janvier et 18 février 1943.

Vu toutes les pièces du dossier et vidant son délibéré.

La Cour

Statuant sur les appels interjetés par Daudet et le Ministère Public ensemble sur les conclusions du sieur Godeau partie civile intimé tendant à la confirmation du jugement entrepris et y faisant droit,

 

Adoptant sur l’exposé des faits les motifs des premiers juges :

 

  • Sur l’inculpation de tentative d’extorsion de fonds

Considérant que Daudet soutient que loin d’avoir cherché à réaliser un gain illicite il a agi en journaliste désintéressé, désireux de mettre fin à des abus à lui dénoncés sous le sceau d’un prétendu secret professionnel ;

mais considérant que cet inculpé s’est présenté à Godeau comme un véritable agent d’affaires, chargé des intérêts de nombreux clients des Grandes Marques Réunies, 9 nommément désignés et 32 tenus en réserve, observation faite qu’il n’a pu justifier que d’un seul mandat émanant d’un sieur Nicolas ;

qu’aucun doute ne peut subsister à ce sujet au vu de la circulaire en date du 3 septembre 1938 par lui remise à Godeau et commençant par ces mots « Monsieur et Cher Client » ;

considérant que sous la menace de poursuites judiciaires et d’une campagne de presse révélant au public les manœuvres coupables et les malversations employées par les représentants des Grandes Marques Réunies auprès de la clientèle, Daudet a exigé à deux reprises de Godeau le versement d’une somme de 19500 francs ;

qu’il a agi avec connaissance voulant contraindre sa victime à faire une remise de fonds en pesant sur sa volonté par la menace de révélations de faits diffamatoires ;

que le fait de cupidité illégitime se rencontre en l’espèce, Daudet ayant mis son silence à prix d’argent avec la pensée de toucher partie ou totalité des sommes indûment réclamées ;

considérant que la tentative a été manifestée par un commencement d’exécution : télégramme et coup de téléphone du 3 septembre 1938 rappelant Godeau à Paris, visites au bureau de ce dernier les 4 et 5 du même mois au cours desquelles ont été réclamé la somme de 19500 francs, pneumatiques des 6 et 8 septembre 1938 menaçant de poursuites en justice ;

que cette tentative n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, la personne objet de la menace ayant refusé de faire la remise qu’on prétendait exiger d’elle.

 

  • Sur l’inculpation de complicité de tentative d’extorsion de fonds

Considérant que Vernay et la dame Vernay ont été inculpés et renvoyés en police correctionnelle de ce chef, au vu d’une première expertise officieuse qui faisait apparaître Vernay comme l’expéditeur du télégramme rappelant Godeau à Paris ;

mais considérant que l’expertise ordonnée par la juridiction du jugement établit que ce télégramme émane de Daudet, qui s’en reconnaît l’auteur ;

que dans ces conditions quelles que soient les présomptions qui pèsent sur les époux Vernay, il n’est pas impossible que Daudet, comme il le prétend, tienne les renseignements dont il a fait usage d’un autre employé congédié dont il se refuse à donner l’identité ;

que par suite la décision de relaxe apparaît justifiée.

 

  • Sur l’application de la peine

Considérant qu’en raison des circonstances de la cause il échet, tout en ne maintenant contre Daudet qu’une pénalité d’amende, de lui faire une application plus ferme de la loi.

 

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges.

En ce qui concerne Daudet

Elève à cinq cents francs la peine d’amende.

Maintient les condamnations civiles.

En ce qui concerne les époux Vernay

Confirme la décision de relaxe.

Condamne Daudet aux dépens liquidés savoir : ceux avancés par lui à 37,30 francs, ceux avancés par le Trésor à 610,50 francs plus 13 francs pour droits de poste.

Fixe au maximum la durée de la contrainte par corps.

Tentative d’extorsion de fonds de 1938 – Déchéance du pourvoi en cassation du 19 octobre 1944

Archives de Paris, 31W55

Extrait

des Minutes de la Cour de Cassation

 

à l’audience publique de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, tenue au Palais de Justice, à Paris, le 19 octobre 1944

 

Sur le pourvoi de Daudet, Georges

 

En cassation d’un arrêt rendu le 11 mars 1943, par la Cour d’Appel de Paris, Chambre Correctionnelle, qui l’a condamné à 500 frs d’amende et à des réparations civiles pour tentative d’extorsion de fonds

Est intervenu l’arrêt suivant :

La Cour,

Ouï M Diaule, Conseiller, en son rapport,

et M Bruine, Avocat Général, en ses conclusions :

Vu les articles 419 et 420 du Code d’instruction criminelle ;

attendu que le demandeur condamné le 11 mars 1944, par la cour d’appel de Paris,

à une simple peine pécuniaire, n’a ni justifié de la consignation de l’amende à l’appui de son pourvoi, ni produit les pièces supplétives exigées par la loi ;

Déclare le susnommé,

déchu de son pourvoi, le condamne par corps à l’amende et aux dépens.

Fixe au minimum la durée de la contrainte.

Condamnation par la Cour de justice de Lyon

Archives du département du Rhône, 394 W 292

Les mentions manuscrites sont mises en évidence par une police de caractères spécifique

COUR DE JUSTICE DE LYON

AUDIENCE DU 4 AOUT 1947

Affaire DAUDET Georges

accusé d’activité antinationale

 

QUESTION REPONSE

 

L’accusé DAUDET Georges est -il coupable d’avoir sur le territoire français en temps de guerre, depuis le  …… et notamment en 1943 et 1944 sciemment ;;;;;; de nature à nuire à la Défense Nationale et commis avec l’intention de favoriser les entreprises de toute nature de l’ennemi ?  

 

 

 

 

Oui, à la majorité
La question des circonstances atténuantes a été posée.

 

Lyon, le 4 AOUT 1947

 

Le PRESIDENT                                                                    Les Jurés

 

En conséquence, après délibéré et à la majorité des voix, la Cour de Justice condamne DAUDET Georges à cinq ans d’emprisonnement, …(…) mille francs d’amende, la dégradation nationale à vie et aux dépens.

Condamnation par la Cour de justice de la Seine – Jugement du 14 novembre 1947

Archives Nationales, Z/6/417 dossier 4221

COUR de JUSTICE

QUATORZIEME SOUS-SECTION DEPARTEMENTALE de la SEINE

DOSSIER N° 4221

Audience du 19.11.1947

ARRÊT qui condamne

par contumace

le nommé

DAUDET Georges

à la Peine de Mort

à l’affichage et aux dépens ; à la D. N.

Prononce la Confiscation de ses biens au profit de la Nation

L’an mil neuf cent quarante-sept, le dix-neuf Novembre à quatorze heures trente minutes, Monsieur BOUTIN-DESVIGNES Président de la Cour de Justice, Quatorzième Sous-Section Départementale de la Seine, Messieurs LEBON Raoul, RABELLE Eugène, CHAPELLIER Félix et MALON Pierre Jurés Titulaires du Jugement. Membres de la Cour de Justice, Monsieur REMONDAY Auguste Juré Suppléant, Monsieur HUGOT désigné pour remplir les fonctions de Commissaire du Gouvernement près la Cour de Justice et Maître CORNATON Greffier se sont réunis dans la salle d’audience de ladite Cour de Justice.

Les jurés ayant pris place aux côtés de M. le Président et ayant prêté le serment prescrit par l’article 312 du   Code d’Instruction Criminelle ainsi que cela est constaté au Procès-Verbal de Prestation de Serment en date du dix-sept Novembre mil neuf cent quarante-sept, les portes de l’auditoire étant ouvertes et l’audience étant publique M. le Président a constaté le défaut de l’accusé.

Monsieur le Greffier a donné lecture de l’Exposé des faits rédigé par M. le Commissaire du Gouvernement ainsi que de la citation Introductive d’Instance. Il a également donné lecture de l’Ordonnance préparatoire à contumace rendue par M. le Président.

M. le Commissaire du Gouvernement a développé les charges qui appuyaient l’accusation et a requis l’application de la loi pénale par contumace.

M. le Président a déclaré que les débats étaient terminés et a donné lecture des questions auxquelles la Cour aura à répondre et résultant de la Citation Introductive d’Instance.

M. le Président et les jurés de jugement se sont ensuite retirés dans leur chambre des Délibérations, le juré suppléant a été conduit dans une autre chambre séparée de la chambre des Délibérations de la Cour de justice.

Après avoir délibéré, M. le Président et les jurés étant rentrés dans l’auditoire, y ayant repris leurs places, l’audience étant toujours publique M. le Président a donné lecture des réponses faites par la Cour de Justice aux questions posées et a prononcé l’arrêt suivant :

LA COUR

Vu l’exposé des faits en date du ———————–
rédigé par M. le Commissaire du Gouvernement, concluant au renvoi devant la Cour de Justice du nommé DAUDET Georges Adrien Valentin  âgé de 45 ans, né le 11 mars 1902 à Chaillac (Indre) de Adrien Joseph Louis et de  Valentine Beaudet, journaliste ayant été domicilié à Paris (17e) 181 rue Legendre sous l’accusation de s’être rendu coupable dans les conditions énoncées aux articles 1 et 2 de l’Ordonnance du 28 Novembre 1944 du crime d’intelligence avec l’ennemi prévu par l‘article 75-5 du Code Pénal

VU l’exploit en date du 11 Août du Ministère de Me Ch. BESME Huissier-Audiencier près la Cour de Justice, portant citation au dit accusé d’avoir à comparaître devant la Cour de Justice Quatorzième Sous-Section Départementale de la Seine à l’audience du cinq septembre 1947.

VU le Procès-Verbal de M. le Commissaire du Gouvernement dressé en exécution de l’article 22 de l’Ordonnance du 28 novembre 1944 constatant le défaut du dit accusé.

VU l’Ordonnance en date du 5 septembre 1947 rendue par M. le Président de la Cour de Justice, septième Sous-Section Départementale de la Seine, fixant à l’audience du dix-neuf Novembre 1947 l’examen de cette affaire.

CONSIDERANT qu’à la date du 27 octobre 1947 cette Ordonnance a été affichée à la porte de l’immeuble sis à Paris (17e) 181 rue Legendre dernier domicile connu de l’accusé.

CONSIDERANT qu’à la date du ———— cette même Ordonnance a été insérée dans le Journal « Ce Matin ».

Qu’ainsi toutes les formalités de publicité prévues par la loi ont bien été accomplies.

VU les questions posées et les réponses faites à ces questions lesquelles sont ainsi libellées :

1ère QUESTION.-

DAUDET Georges accusé contumace est-il coupable d’avoir à Paris et sur le Territoire National de la France au cours des années 1940 à 1944 en tout cas entre le 16 Juin 1940 et la date de la libération, en temps de guerre, étant Français, entretenu des intelligences avec l’Allemagne (ou avec ses agents) ?

Réponse : OUI à la majorité

2ème QUESTION.-

L’action ci-dessus spécifiée sous la question précédente a-t-elle été commise avec l’intention de favoriser les entreprises de toute nature de l’Allemagne, puissance ennemie de la France et les Nations Alliées en guerre contre les Puissances de l’axe ?

Réponse : OUI à la majorité.

A la majorité des voix il n’existe pas de circonstances atténuantes en faveur de l’accusé.

Après en avoir délibéré conformément aux dispositions de l’article 57 de l’Ordonnance du 28 Novembre 1944 en Chambre du Conseil sans désemparer.

CONSIDERANT qu’il résulte des déclarations de la Cour de Justice que le nommé DAUDET Georges est coupable d’avoir à Paris et sur le Territoire National de la France au cours des années 1940 à 1944 en tout cas entre le 16 Juin 1940 et la date de la libération, en temps de guerre, étant Français, entretenu des intelligences avec l’Allemagne ( ou avec ses agents) en vue de favoriser les entreprises de toute nature de cette puissance étrangère contre la France et les Nations Alliées en guerre contre les Puissances de l’axe (Crime prévu et réprimé par l’article 75-5 du Code Pénal – Décret-Loi du 29 Juillet 1939.

CONSIDERANT que les faits ci-dessus sont déclarés constants par M. le Président et le jury de Jugement de la Cour de Justice.

VU la Décision Judiciaire qui est ainsi libellée :

« A la majorité des voix : peine de Mort – Dégradation Nationale – Confiscation des Biens ».

La Cour, faisant application des articles 75 du Code Pénal paragraphe 5, 77 de l’Ordonnance du 28 Novembre 1944.

Condamne à la majorité des voix le nommé DAUDET Georges A la Peine de Mort.

Ordonne que cette peine sera exécutée dans les conditions prévues par le Code de Justice Militaire conformément aux dispositions de l’article 77 de l’Ordonnance du 28 Novembre 1944.

VU l’article 79 de l’Ordonnance précitée, Prononce la confiscation totale au profit de la Nation de tous les biens présents et à venir du condamné DAUDET suivant les dispositions de l’article 37 du Code Pénal et les prescriptions des articles 38 et 39 du même Code.

Déclare en outre DAUDET Georges en état d’indignité nationale et le condamne à la Dégradation Nationale suivant les dispositions de l’article 21 de l’Ordonnance du 26 décembre 1944.

Vu l’article 18 de la loi du 16 Mai 1855 sur les Droits de Poste et les dispositions de l’article 63 de l’Ordonnance du 28 Novembre 1944.

Condamne DAUDET Georges aux frais du procès envers liquidés à la somme de Quatre Cents francs plus Deux Cents Cinquante francs pour Droits de Poste.

Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Commissaire du Gouvernement près la Cour de Justice.

Et VU les articles 25 de l’Ordonnance du 26 Décembre 1944 et 36 du Code Pénal :

Ordonne l’impression et l’affichage du présent arrêt aux frais du condamné.

Fait et prononcé au Palais de Justice, à Paris le Dix-neuf Novembre mil neuf cent quarante-sept, en audience publique de la Cour de Justice, Quatorzième Sous-Section Départementale de la Seine les débats du Procès ayant eu lieu publiquement où siégeaient Monsieur BOUTIN-DESVIGNES Président, Messieurs LEBON, RABELLE, CHAPELLIER et WALON Pierre Jurés Titulaires du Jugement, Membres de la Cour de Justice.

Et ont signé le présent arrêt, Monsieur BOUTIN-DESVIGNES Président et Maître CORNATON Greffier.

Le Président                                                                                    Le Greffier