Barbara Lambauer (préf. Jean-Pierre Azéma), Otto Abetz et les Français ou L’envers de la Collaboration, Paris, Fayard, coll. « Pour une histoire du xxe siècle », 2001, 895 p. (ISBN 2-213-61023-1), p. 144-145

Deuxième partie, La collaboration de 1940 – Abetz et Laval, Chapitre premier, Installation à Paris : l’été 1940 – Saison de règlements de comptes

 

Ce n’est évidemment pas la seule initiative d’Abetz en direction du milieu ouvrier : parallèlement aux négociations avec les communistes, il crée un quotidien, La France au travail, destiné dès ses débuts à concurrencer le journal communiste. Paraissant à partir du 30 juin 1940, ce quotidien est entièrement financé par la rue de Lille, qui a soigneusement introduit dans la rédaction un certain Ihlefeld, collaborateur de ses services. De plus, Abetz se sert des avocats Picard et Juliette Gouflet, dont « l’obscurité ou le discrédit » sont à l’image des journalistes recrutés pour ce nouveau quotidien. Son directeur Jean Drault, marqué par son antisémitisme, fait partie des « purs et durs » parmi les activistes collaborationnistes. Son rédacteur en chef, le Suisse Georges Oltramare, alias Charles Dieudonné, est un proche collaborateur de l’ambassade de laquelle il reçoit d’ailleurs son salaire ; il s’active en outre à Radio-Paris, où il anime une émission intitulée « Un neutre vous parle ». Les réunions de l’équipe de La France au travail ont lieu tous les matins rue de Lille, Abetz distribuant personnellement les directives générales, et parfois même des instructions précises pour les articles à rédiger. La ressemblance du journal avec L’Humanité clandestine est frappante. Selon Denis Peschanski, on y observe « la même dénonciation de l’impérialisme britannique et des fauteurs de guerre ; la même exaltation des nécessaires bons rapports avec l’Union soviétique ; la même attaque contre les ploutocrates capitalistes de Vichy ; surtout, la même exigence, sans arrêt répétée, de la libération des militants communistes emprisonnés durant la  » drôle de guerre  » pour avoir défendu la paix ». Seule nuance, tout de même sensible : le fervent antisémitisme de La France au travail. Les premières semaines, le journal est un succès : son tirage atteint 92 000 exemplaires, et en août il s’élève à 180 000. Mais une dénonciation vigoureuse de la part du PCF au début de septembre, accompagnée par la multiplication des organes de presse en zone occupée et des remous au sein même de la rédaction mettent fin à cette réussite ; les ventes s’effondrent alors.

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