Police française – Confédération Nationale des Comités de Salut Public et Forces Françaises (1939)

AN F/7/14819, 2 BL 52

Confédération nationale des Comités de salut public ; enquêtes au sujet des ressources du mouvement et du journal  » Forces françaises » ; dossier personnel du sieur Daudet, dit Delhaume, directeur du journal ; 1939.

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2 BL 52

Directions des affaires criminelles et des grâces, 1er bureau

Enregistré le 5 mai 1939

« Forces Françaises », journal du 22- 4 -1939

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PARQUET DE LA COUR D’APPEL DE PARIS                                                      Paris, le 9 mai 1939

Le Procureur Général près la Cour d’Appel de Paris

à Monsieur le Grade des Sceaux

N° 2046 Presse

Service central

Direct : Criminelle

1er Bureau

2 BL 52/R

Ouverture d’une information c/les

dirigeants du journal

« Forces Françaises ».

Me référant à votre dépêche du 6 mai 1939, j’ai l’honneur de vous faire connaître que mon Substitut de la Seine a requis le 6 mai courant l’ouverture d’une information contre le nommé DAUDET, Directeur du Journal « Forces Françaises » et à tous autres, du chef d’infraction à l’article 1er du décret-loi du 21 avril 1939 sur les propagandes étrangères.

M. COMBEAU, juge d’instruction, a été chargé de cette affaire dont je ne manquerai pas de vous faire connaître les suites.

LE PROCUREUR GENERAL

Signé : Raoul CAVARROC

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L/C

MINISTERE de la JUSTICE

9 MAI 1939

CABINET

PARQUET

du

TRIBUNAL

de

PREMIERE INSTANCE

du

DEPARTEMENT DE LA SEINE

4ème Section

Service Central

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

à Monsieur le PROCUREUR GENERAL

2046 Presse

J’ai l’honneur de vous transmettre le numéro du journal « Forces Françaises » portant la date du 22 avril 1939 qui m’a été signalé par M. le Directeur de la Police Judiciaire.

Celui-ci indique, dans le rapport dont copie est jointe, que les ressources de la « Confédération des Comités de Salut Public », groupement dont le journal précité est l’organe, ne sont pas nettement établies. Il ajoute que, le président de ce groupement qui habite en hôtel, étant aussi membre de la « Ligue Internationale contre le communisme » dont le siège est à Genève, il pourrait peut-être y avoir lieu pour mon Parquet de requérir l’ouverture d’une information basée sur le décret-loi du 21 avril dernier, réprimant les propagandes étrangères, dans le but de déterminer la provenance des fonds nécessaires au journal précité et au groupement dont il entend répandre la doctrine.

Le numéro du journal « Forces Françaises » portant la date du 22 avril 1939, publie :

1°) en 1ère page un article intitulé « Deux poids et deux mesures » et en 4ème page un article intitulé « John BULL l’embusqué n°1 de la prochaine dernière » dont les auteurs attaquent violemment l’Angleterre, et où l’on relève les passages suivants :

se reporter à la reproduction intégrale du journal disponible en téléchargement ici

2°) en 1ère et 2ème page un article intitulé « Perfidie Soviétique » dont l’auteur attaque violemment l’U.R.S.S.

3°) en 3ème page un article intitulé « La Guerre avec l’Allemagne est-elle fatale ? » où l’on relève les passages suivants :

se reporter à la reproduction intégrale du journal disponible en téléchargement ici

Le sens de ces articles, les buts que semblent se proposer leurs auteurs, certains des termes même employés, peuvent donner à penser que les fonds nécessaires à cette propagande sont de provenance étrangère ; au surplus, M. le Directeur de la Police Judiciaire a fait connaître que le sieur DAUDET, dit DELHAUME, président de la Confédération des Comités de Salut Public et directeur du journal « Forces Françaises » ne cachait pas ses sympathies ardentes en faveur des régimes fascistes et hitlériens. Aussi les moyens d’existence du susnommé étant mal définis une information me semble devoir être ouverte, en vertu de l’art. 1er du décret-loi du 21 avril 1939.

L’on pourrait certes penser que le décret dont s’agit n’ayant été promulgué que le 25 avril 1939 ce texte ne saurait trouver son application au regard d’un numéro de journal paru le 22 du même mois. Mais il convient d’observer que le groupement dit « Confédération des Comités de Salut Public » dont le journal « Forces Françaises » est l’organe continue de propagande et qu’ainsi le texte susvisé peut recevoir son application.

Dans ces conditions, j’ai l’intention, sauf instructions contraires de votre part, de requérir contre DAUDET et tous autres l’ouverture d’une information basée sur l’art. 1er du décret-loi du 21 avril 1939.

LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

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Ministère de l’Intérieur

Direction générale de la Sureté Nationale

Inspection Générale

Services de Police Criminelle

Dossier 060167

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9 mai 1939

CH.14760

L’INSPECTEUR GENERAL

chargé des Services de la Police Criminelle

à Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

Comme suite à votre lettre, en date du 1er Mai courant, relative à l’activité du sieur DAUDET, dit DELHAUME, directeur du journal « Forces Françaises » et membre de la « Ligue Internationales anti-communiste », dont le siège serait à Genève, j’ai l’honneur de vous transmettre, sous ce pli, un rapport établi le 5 de ce mois par un fonctionnaire de mes services, à ce sujet.

L’INSPECTEUR GENERAL

*****Nouvelle page*****

Le Commissaire de police mobile Pierre CHABOT

à Monsieur l’INSPECTEUR GENERAL des Services de Police Criminelle

Conformément à vos instructions et en exécution de la demande de renseignements adressée à nos services le 1er Mai courant, par M. le Procureur de la République près le Tribunal de la Seine, concernant les agissements en France de la « Ligue Internationale anti-communiste » dont le siège serait à Genève, et signalant le sieur DAUDET, dit DELHAUME, Directeur du journal « Forces Françaises », comme membre de ce groupement, j’ai l’honneur de vous rendre compte des investigations que j’ai effectuées à ce sujet :

Le nommé DAUDET, Georges, Adrien, Valentin, dit « DELHAUME, Georges », né le 11 mars 1902 à Chaillac (Indre), Ingénieur civil des Travaux Publics de l’Etat, demeure actuellement 3 rue Colette (17e) depuis le 29 Décembre 1938, dans un studio au loyer mensuel de 500 francs. Divorcé sans enfant, DAUDET vit seul à cette adresse où on ne lui connait aucune fréquentation. Il n’y reçoit d’autre part que très peu de courrier.

Le susnommé habita précédemment 24 rue Francoeur, 57 rue des Petites Ecuries, 10 Bd Voltaire et antérieurement 17 Bd Magenta.

Se disant tour à tour ingénieur conseil ingénieur civil, fondé de pouvoirs, administrateur de sociétés, il fit partie, en 1937, de la « Société d’Application de la Loterie Gratuite », 14 Bd Montmartre.

Au point de vue politique, DAUDET a été candidat sans succès sous l’étiquette de républicain indépendant à l’élection municipale complémentaire du 9 février 1936 dans le quartier du Mail ainsi qu’à l’élection législative d’avril 1936 dans le 2e Arrondissement.

Le 24 juillet 1937, le passeport n° 47.358 lui fut délivré par la Préfecture de Police, mais à l’expiration de la validité de ce document DAUDET n’a présenté aucune demande de renouvellement.

DAUDET est noté aux sommiers judiciaires comme suit :

1 condamnation -50 frs – 12e Chambre – le 30 avril 1936

pour injures diffamation – Défaut – sous réserve d’amnistie

Au cours de ces dernières années, ses diverses activités ne semblent pas lui avoir toujours évité la gêne car il quitta ses divers domiciles, laissant des notes impayées qu’il aurait réglé par la suite assez difficilement.

DAUDET fonda la Confédération Nationales des Comités de Salut Public, association déclarée le 13 mai 1938 à la Préfecture de Police (Récépissé de déclaration délivré le 19 Mai 1938).

Aux termes de ses statuts, cette association a pour but de réaliser l’union des français dans le cadre des institutions et libertés républicaines.

Le siège est à Paris, 9 Cité du Retiro (8e) et il n’apparait pas qu’elle ait pris jusqu’ici beaucoup d’importance. Elle manifeste surtout son activité par la publication d’une feuille périodique intitulée « Forces Françaises », dont le Directeur est DAUDET, sous le nom de Georges DELHAUME, et dont la rédaction et l’Administration sont installées dans les mêmes locaux de la Cité du Retiro. (Tél : 60-91 – 60-92 – 60-93.

On ne connait pas d’employés qui pourraient aider DAUDET Georges dans sa tâche. Ce dernier, à la fois Directeur, Rédacteur et Gérant des Forces Françaises, travaille particulièrement la nuit, aux dires des témoins entendus.

Il est à noter que les locaux servant de siège à la Confédération Nationale des Comités de Salut Public ainsi qu’au journal précité, furent loués au mois de juillet 1937, par DAUDET, Georges. Composés de trois petites pièces au 3e étage d’un building, leur loyer de 2.200 francs par trimestre est actuellement au nom de la Confédération.

Cinq numéros du Journal « Forces Françaises » ont paru aux dates suivantes :

en 1938, les 27 Mai, 3 Juin, 23 Septembre, 1er Octobre, et en 1939 le 22 avril.

Le tirage a varié entre 5.000 et 10.000 exemplaires qui, imprimés d’abord 17 Villa d’Alésia, sortaient en ce qui concerne les trois derniers numéros des presses de l’Imprimerie DELION, 16 rue du Croissant (2e).

Il y a lieu de retenir, au sujet du numéro des Forces Françaises du 23 Septembre 1938, qu’un tirage supplémentaire de 45.000 exemplaires fut demandé à l’imprimerie DELION.

On y menait spécialement une campagne contre l’organisation intérieure de la Tchécoslovaquie et un plaidoyer en faveur de la minorité allemande envers laquelle le Gouvernement de Prague n’aurait pas tenu ses engagements.

Il convient, d’autre part, de signaler que les « Forces Françaises » du 22 avril 1939 contiennent des articles hostiles à l’Alliance Anglo Russe.

On ne peut s’empêcher de constater que cette publication parait uniquement à des moments de grave tension politique en Europe.

Je n’ai pu, au cours de mes investigations, découvrir l’origine des fonds dont DAUDET Georges semble disposer.

Par ailleurs, en ce qui concerne la « Ligue Internationale anti-communiste » dont le siège serait à Genève, il ne m’a pas été permis de déterminer si DAUDET en était ou en avait été membre.

Seule, une note rédigée en 1938 par les services de la Préfecture de Police signale que le susnommé est connu pour avoir fait partie de cette organisation, sans autre précision.

Il s’agirait d’ailleurs et vraisemblablement, non pas de la « Ligue Internationale anti-communiste » mais de « l’Entente Internationale anti-communiste », dont le siège est à Genève, 14 Promenade Saint-Antoine.

L’animateur et le Président de cette organisation est un nommé Théodore AUBERT, Avocat au Barreau de Genève, et Député du Parlement Suisse, qui, dans la lutte contre le communisme en général et le Komintern en particulier, se place essentiellement sur un plan idéologique.

Il n’apparait pas, à ma connaissance, que l’Association Genévoise puisse favoriser l’activité de DAUDET, Georges.

Néanmoins, lors de la 13e Conférence du Conseil International de l’Entente Internationale anti-communiste qui eut lieu à Genève fin Février dernier, un représentant de l’organisation française « L’Association de la Défense de la Nation », siège 15 rue Jean Jacques Rousseau, Paris 1er, – dont le secrétaire général est le Commandant LOUSTANAU-LACAU, dit Navarre, exposa la manière dont en France cet organisme avait intenté une action tendant à la dissolution du parti communiste français. Il indiqua que cette action avait déjà été appelée en conciliation et que les représentants communistes avaient fait défaut.

Il ne semble pas qu’il y ait une relation entre les agissements de DAUDET, Georges, et l’activité poursuivie par l’Association de Défense de la Nation.

Le Commissaire de police mobile.

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Paris le 29 mai 1939

N° E.232.385

L’enquête à laquelle il a été procédé en exécution des prescriptions contenues dans la commission rogatoire ci-jointe, et notamment dans le but de de rechercher les ressources qui alimentent l’action politique de la Confédération Nationale des Comités de Salut Public et son organe intitulé « Forces Françaises » n’a pas permis d’établir l’origine des fonds permettant à ce groupement de subsister.

Au cours de la perquisition effectuée le 9 courant au siège de la Confédération Nationale des Comités de Salut Public, 9 Cité du Retiro il a été saisi des documents et notamment de la correspondance, ayant trait à des démarches auprès de maisons de commerce de la région parisienne, en vue semble-t-il d’obtenir des contrats de publicité.

Il a été alors procédé à l’examen de la collection du journal « Forces Françaises » d’où il ressort que le N°1, en date du 27 mai 1938, ne comportait qu’une publicité pour la Loterie Nationale.

Le N°2 en date du 3 juin 1938, comporte une publicité pour les établissements DUBONNET, le N°3 du 23 septembre 1938, et le N°4 du 1er octobre 1938 ne comportent aucune publicité.

Enfin, le N°1 de la nouvelle série en date du 22 avril 1939, comporte à nouveau une publicité pour les établissements DUBONNET.

Il a donc été procédé à l’audition de diverses personnes susceptibles d’avoir fourni des contrats de publicité au dit journal.

Au sujet de la publicité DUBONNET, M. VIRTEL, Chef de ce service, a fait connaître qu’à la date du 21 avril 1939, il avait reçu la visite d’un sieur Georges DELHAUME, venu pour solliciter un contrat. Celui-ci lui fut refusé à titre payant, mais il lui fut remis un « galvano » pour insertion à titre entièrement gratuit, c’est-à-dire sans obligation de paiement, de la part de la maison DUBONNET.

D’après M. VIRTEL, les relations publicitaires n’auraient pas été poussées plus avant.

A toutes fins utiles, M. SEMGES, Clément, chef du service de la publicité à la maison VOLT, 3 rue Godot de Mauroy, à Paris, agent des établissements DUBONNET, a été entendu aux fins d’établir si le sieur DELHAUME, alias DAUDET, n’aurait pas sollicité de contrat, ce fut sans résultat.

Dans les mêmes conditions, M. MULIER, chef de la publicité de la maison ALBA, 16 boulevard Poissonnière, à Paris, a fait connaître par l’intermédiaire de M. BOILEAU, Emile, sous-directeur, qu’à aucun moment il n’avait passé de contrat de publicité soit avec M. DAUDET, soit avec le journal FORCES FRANCAISES.

Des vérifications ont été également effectuées auprès des maisons SAINT-RAPHAEL, QUINQUINA, sise 8 rue du Parc Royal et FERNET-BRANCA, 145 boulevard Magenta.

Les chefs de publicité de ces établissements ont déclaré également qu’à aucun moment ils n’avaient été sollicités pour fournir de la publicité au dit journal.

A la suite de ces vérifications, demeurées sans résultat, il a été procédé à l’audition des deux principaux ex-collaborateurs du sieur DAUDET, à savoir :

1°- M. VERNAY, Pierre, Robert, Théodore, né le 1er mars 1909 au Chili (Amérique du Sud), de nationalité française, demeurant 77 boulevard Beaumarchais, employé de commerce, actuellement en chômage.

Il a déclaré :

J’ai connu M. DAUDET, voici 5 ans, environ, alors que tous deux, nous appartenions au « Parti Social National ».

Cette association dissoute depuis 1935, je crois, avait son siège rue Weber, à un numéro dont je ne me souviens pas.

A cette époque, DAUDET se disait ingénieur.

Dans le courant de mai 1938, j’ai reçu une lettre de lui, à mon ancien domicile 20 rue des Tourelles, par laquelle il me demandait de passer le voir, à son domicile du moment, rue Francoeur, je crois.

M’y étant présenté, au cours de la conversation, il me demanda de lui apporter ma collaboration dans la constitution d’un parti, qu’il intitule « Confédération des Comités de Salut Public », et dont le siège était 9 Cité du Retiro. J’ai aussitôt accepté.

Dès le début de ces nouvelles relations, DAUDET, alors alité, me demanda de le remplacer, à une réunion organisée à l’ancien siège du « Parti social national » et de prendre, à l’occasion, la parole à sa place. J’ai accepté une fois de plus mais je n’ai pas eu à parler.

Je préciserai qu’au cours de cette réunion, je devais développer les grandes lignes et le programme de la Confédération des Comités de Salut Public.

En collaboration avec DAUDET, nous avons mis au point le programme, les statuts et l’organisation du nouveau groupement.

Par la suite, j’ai été chargé également de rédiger certains articles que j’ai toujours signés et notamment dans les N° 1 et 2 de FORCES FRANCAISES, parus en 1938, suivis de mon titre de rédacteur en chef.

Comme DAUDET ne me donnait aucune rémunération, et ce, malgré mes réclamations, j’ai purement quitté cet emploi, sans toutefois cesser nos relations amicales.

A aucun moment je n’ai été chargé de prospecter les maisons de commerce ou autres, susceptibles de fournir de la publicité au journal « FORCES FRANCAISES » ou d’y apporter des fonds. C’était M. LELIEVRE, qui en était chargé.

J’ignore totalement la provenance des ressources qui alimentaient la caisse du journal. A ce sujet, DAUDET ne m’a jamais fait aucune confidence.

Toutefois, je crois qu’il était assez fortuné, car il m’avait dit posséder des biens, en province, qu’il avait réalisés.

J’ai cessé toute collaboration avec M. DAUDET, mais je le rencontre fréquemment et pour la dernière fois quelques jours après la parution du N° 1 nouvelle série de FORCES FRANCAISES, c’est-à-dire fin avril 1939.

J’en ai profité pour lui demander où il avait trouvé les fonds nécessaires pour la parution de ce dernier numéro.

Il m’a déclaré avoir reçu de l’argent de sa famille notamment de sa mère et de sa sœur.

Je n’ai pas manqué de profiter de cette occasion pour lui demander, ou plutôt de lui laisser entendre que s’il avait quelque argent disponible, qu’il veuille bien me dédommager des frais que j’avais eu lors de notre collaboration.

A part Messieurs DAUDET et LELIEVRE, je n’ai connu aucune autre personne, au comité directeur de la Confédération des Comités de Salut Public.

2°- M. LELIEVRE Jean-Paul, né le 20 mars 1903 à Saint-Mandé (Seine), demeurant à Viroflay (Seine-et-Oise), 12 rue des Pleurs, entendu a déclaré :

J’ai connu M. DAUDET, au début de l’année 1937, dans les circonstances suivantes. A cette époque, étant chômeur, j’ai remarqué dans le journal « L’Intransigeant » une annonce demandant des démarcheurs pour le placement de billets de la Loterie Nationale et ce, pour le compte de la Fédération Nationale des Anciens Combattants et Mutilés anciens combattants, 14 boulevard Montmartre.

M’y étant présenté, je fus reçu par DAUDET, qui m’agréa immédiatement. Pendant un an, j’ai effectué le placement de billets chez divers commerçants et je fus toujours normalement rétribué.

J’ai dû, pour raisons de santé, quitter ma situation.

Entre temps, DAUDET, avait fondé l’Office Fédéral de vente de participations à la Loterie Nationale il en était le propriétaire et le siège situé 9 cité du Retiro.

Après ma maladie je suis entré à nouveau en relations avec lui pour la vente de ses billets.

Au cours de notre collaboration, en août 1937, j’ai été amené à remettre à Daudet, pour dix-huit mille francs, de billets de la Loterie Nationale, m’appartenant.

DAUDET les plaça mais à ce jour, malgré mes diverses réclamations, je ne suis pas encore rentré dans mes fonds, j’ai d’ailleurs pour ces faits, déposé plainte entre les mains de M. le Procureur de la République.

En ce qui concerne mon activité au sein de la Confédération des Comités de Salut Public, et plus particulièrement au journal « FORCES FRANCAISES » je préciserai que DAUDET m’avait sollicité, courant mai 1938, pour faire des démarches publicitaires auprès de maisons de commerce, afin d’alimenter la publicité du journal FORCES FRANCAISES qu’il venait de créer, et dont il était le propriétaire.

J’ai accepté, et par lettre en date du 26 mai 1938 signée Georges DELHAUME, directeur général de FORCES FRANCAISES, il m’accréditait ainsi auprès des maisons de commerce que j’étais amené à visiter.

Seul ou en sa compagnie, j’ai effectué de nombreuses démarches et chaque fois, selon les instructions que DAUDET m’avait données, indépendamment des contrats, je sollicitai des fonds pour les Comités de Salut Public.

Ma mémoire défaillante ne me permet pas de vous indiquer les noms de toutes les personnes visitées.

Toutefois, voici deux démarches dont je me souviens parfaitement.

Je me suis présenté à plusieurs reprises sans jamais avoir été reçu au domicile de M. ROLAND de L’ESPEE, domicilié avenue Foch N° 26, je crois, car DAUDET, m’avait dit que ce dernier devait lui remettre une somme de six à dix mille francs.

J’ai même eu l’occasion, en compagnie de DAUDET, de me présenter au domicile de M. de L’ESPEE, mais ce dernier absent, s’était fait excuser, par son concierge.

Enfin, DAUDET me fit porter au domicile de M. de L’ESPEE, une lettre écrite par lui, mais signée de son nom par les soins de sa secrétaire, Mme MOURET. Je n’ai pu remettre cette lettre en mains propres, le destinataire étant à son château de Saint-Germain.

Vers la fin août DAUDET, me charges de porter une lettre au 22 de la rue de Lille, je l’ai déposée chez le concierge.

Quelques temps après, il me demanda de l’accompagner à cette adresse, où il pénétra seul, me laissant sur le trottoir. Je m’aperçus alors seulement qu’il s’agissait de l’Ambassade d’Allemagne.

Par la suite, je devais l’accompagner à cet endroit, à deux ou trois reprises.

Il me confia qu’il devait toucher des fonds du « comité France Allemagne » et que ceux-ci devaient lui être remis directement par l’Ambassade d’Allemagne.

J’ignore si en définitive, DAUDET a touché des fonds, mais ce qui est certain c’est que c’est à cette époque, qu’il fit agrandir son bureau de la Cité du Retiro.

Entre temps, DAUDET m’avait demandé d’être le gérant du journal FORCES FRANCAISES et c’est dans ces conditions que le 22 septembre 1938, j’en ai fait la déclaration au Parquet de la Seine, que j’ai résiliée au début de 1939.

En fait, deux journaux seulement ont paru, sous ma signature, ce sont les N° 3 et 4 de l’année 1938.

Si j’ai accepté d’effectuer ces démarches, pour le compte de DAUDET, en tant que propriétaire de FORCES FRANCAISES, c’est que j’espérais toujours entrer en possession des 18.000 francs provenant de la vente de mes carnets de billets de la Loterie Nationale, par ce dernier.

D’autre part, n’ayant jamais été rémunéré, de toutes mes démarches, et surtout aussi tout ce que celles-ci avaient d’anormal, j’ai décidé de ne plus avoir aucune relation avec lui.

Il parait utile de mentionner en ce qui concerne la déclaration du sieur LELIEVRE, que ce dernier est de santé précaire, il doit entrer prochainement dans un sanatorium.

De plus, il est atteint d’amnésie intermittente et c’est ce qui explique les imprécisions de sa déclaration.

Les dames MOURET Madeleine, née BARBIER, le 22 février 1903 à Charenton (Seine), et MOREAU Simone, née le 12 octobre 1920 à Tonnerre (Yonne), secrétaires du sieur DAUDET, ainsi que Messieurs VERNAY et LELIEVRE, ne sont pas notés aux Sommiers Judiciaires.

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PARQUET DE LA COUR D’APPEL DE PARIS                                                      Paris, le 9 mai 1939

N° 2046 Presse

Service central

Le Procureur Général près la Cour d’Appel de Paris

à Monsieur le Grade des Sceaux

Direct : Criminelle

1er Bureau

2 BL 52/R

Objet : Dessaisissement au profit de l’Autorité Militaire – aff. c/DAUDET

du chef de propagande étrangère

J’ai l’honneur de vous rendre compte, comme suite à mon rapport du 9 mai 1939 relatif à l’information suivie contre DAUDET, du chef de propagande étrangère, que M. COMBEAU, juge d’instruction, a rendu, le 26 septembre écoulé, sur les réquisitions conformes de mon Substitut de la Seine, une ordonnance de dessaisissement au profit de l’Autorité Militaire.

Le Procureur Général

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