Déclaration (non datée) à la Police Cantonale du Valais (entre le 20 et le 30 septembre 1947)

Archives fédérales suisses, AF, E 4320(B) 1991/243/133, dossier C.13.2383

 

Canton du Valais

Police Cantonale

Déclaration de DAUDET Georges Adrien Valentin, fils de Adrien et de Valentine Beauret, originaire de Chaillac/Indre (France), né le 11 mars 1902 à Chaillac, marié à Madeleine Brugnon, administrateur, dom. 181 rue Legendre, Paris 17ème

 

Je suis né le 11 mars 1902 à Chaillac/Indre (France). Mon père, décédé en 1933, exerçait la profession d’architecte. J’ai suivi mes classes primaires à Chaillac et mes études primaires supérieures à St-Benoît du Sault/Indre. Dès 1920, mes parents ne pouvant subvenir à mes besoins, j’ai suivi, par correspondance, des cours de conducteur de travaux publics et suis entré dans les entreprises, d’abord comme commis, puis conducteur de travaux et ingénieur-adjoint d’une société de produits Hydrofuges dénommée « La Callandrite », avenue de l’Opéra à Paris. J’ai exercé mon activité dans cette entreprise jusqu’en 1934. De 1934 à 1936, toujours comme conducteur de travaux, j’ai été engagé par la maison Desplat & Lefèvre dont le siège social est à proximité de la Madeleine à Paris.

C’est à partir de l’année 1936 que j’ai commencé à collaborer à la rédaction et à l’administration de journaux anti-communistes tels que « La Voix de l’Est Parisien » et « La Victoire ». C’est en 1938 que pour la première fois je suis entré en relations avec M. LAVAL. L’activité précitée a pris fin au début des hostilités, soit en août 1939.

J’ai mobilisé à St-Cloud au 61ème groupe autonome d’artillerie, compagnie du capitaine Aucher. J’ai été démobilisé vers le 15 août 1940 à Mauléon/Basses-Pyrénées. J’ai regagné Paris le 15 août de la même année.

Vu la situation, j’ai eu beaucoup de peine à me reprocurer du travail. Ce n’est que le 1er décembre 1940 que j’ai été engagé, comme administrateur, du journal quotidien « La France », dirigé par M. Fontenoix, alors journaliste. Il s’agissait d’un journal collaborationniste modéré. J’ai occupé cette place jusqu’au 1er novembre 1941. En mai 1941, à la demande de M. LAVAL, j’ai accepté le titre de directeur général (fonctions administratives seulement) du nouveau journal « La France socialiste », journal républicain destiné à ce moment-là à donner des informations pures, sans commentaires, à l’exclusion de toute politique pro-nazie. Peu de jours après les débuts de l’apparition de ce journal, sur la pression des autorités allemandes pour autant que je le sache, il a été désigné un directeur politique dénommé René Château, ancien député. En 1943, ce dernier a été remplacé par M. Hubert Lagardelle, ancien Ministre du Travail sous le Cabinet LAVAL. J’ai occupé les fonctions citées plus haut jusqu’à la Libération de la France.

Le 21 décembre 1943, j’ai contracté mariage avec Madeleine Brugnon, née en 1921, domiciliée à ce moment-là chez ses parents, rue de Vanves, 133, Paris 15ème. Depuis 1941, cette dernière fonctionnait comme secrétaire au journal « La France ». De cette union sont nés deux enfants, Jean-Louis né le 30.1.1942, et Jacques né le 4.11.1944.

Ma famille réside actuellement à Paris, 180 rue Legendre. Elle n’a jamais été inquiétée par les Autorités françaises.

Pour ce qui me concerne, avant la guerre, j’ai toujours été un républicain indépendant. Pendant la guerre, je n’ai jamais donné mon adhésion à aucun des partis politiques qui ont été constitués pendant l’occupation. Je me suis toujours tenu à l’écart des dîners, réunions et manifestations de toute nature dans la presse, sauf dans des réunions corporatives où je représentais mon journal et défendais les intérêts matériels en même temps que ceux du personnel placé sous mes ordres. J’ajoute que ma femme possède une attestation établie par M. Camus, rédacteur actuel de « l’Humanité », précisant que je me suis porté garant pour lui pour le faire sortir de prison en 1943, que je n’avais, à sa connaissance, jamais tenu des propos pro-nazis ou manifesté des sentiments du même ordre en aucune façon.

Etant donné les menaces faites à la radio de Londres concernant les collaborateurs de tous les journaux ayant paru sous l’occupation, et sur les conseils de M. Ventillard, éditeur de journaux, à Paris, rue Blanche, je me suis réfugié chez lui dès la libération et pendant une quinzaine de jours. Je me suis réfugié dès lors chez des amis jusqu’au 15 septembre 1947 date à laquelle j’ai franchi la frontière franco-suisse à Ambilly/France. Je possédais à ce moment-là en tout et pour tout frs. 3.000.- français.

A Genève, j’ai logé dans différents hôtels de la ville, toujours sous le nom de Maleine Georges, nom d’emprunt de la Légion. Dès mon entrée en Suisse, j’ai cherché à entrer en relations avec M. Jardin, ancien chargé d’affaires à l’Ambassade de France à Berne, que je connaissais personnellement. Ce n’est que le 20 septembre qu’ayant trouvé son adresse, j’ai pris contact avec lui dans la villa qu’il occupe à Pully/Vaud. Sur ses indications, je me suis présenté ce jour auprès de M. Aymon, Chef du bureau cantonal des Etrangers à Sion.

Si j’ai décidé de venir me réfugier en Suisse c’est que depuis le 5 septembre 1947 je suis cité à comparaître par devant la Cour de Justice, à Paris. J’ai été au courant de cette citation par l’intermédiaire de ma femme qui a reçu la convocation et avec laquelle j’étais toujours en relations. Je me sais recherché actuellement et inculpé pour intelligence avec l’ennemi. L’on me reproche d’avoir dirigé un journal pendant l’occupation allemande. Si j’ai gagné la Suisse c’est parce que dernièrement, le rédacteur en chef du journal « La France Socialiste », par conséquent technicien sans responsabilités, a tout de même été condamné à 8 ans de travaux forcés. J’ajoute encore que M. Lagardelle, directeur politique du même journal, a été lui condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Pour votre orientation, je précise que dès le 5 janvier 1945 et jusqu’à la mi-août 1946 j’ai servi aux Forces françaises libres, 13ème demi-brigade de la Légion étrangère, sous le nom de Maleine Georges. J’ai signé cet engagement pour prouver que j’étais un bon Français et dans l’espoir que cela m’aiderait à prouver ma bonne foi.

Je ne suis actuellement porteur d’aucun papier prouvant ma véritable identité. Je puis les avoir assez rapidement car ils sont au domicile de ma femme.

Je ne possède que quatre pièces prouvant mon passage à la Légion. Etant donné la partialité actuelle des tribunaux français, je demande à ce que l’on veuille bien m’accorder l’hospitalité en Suisse jusqu’à ce que puisse intervenir une solution juste pour ce qui concerne mon cas. Je suis disposé à effectuer le travail que l’on m’assignera.

 

L’agent :                                                                                                        L’interrogé :

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