« Note » non datée adressée par G. Daudet courant 1945 aux magistrats de la Cour de justice de la Seine

AN Z/6/417, extrait 4221, pièce 25

Les accents inexistants dans l’original dactylographié ont été rétablis, quelques mots tronqués complétés, le reste en l’état.

 

NOTE CONCERNANT

Affaire DAUDET Georges

né le 11 mars 1902 à Chaillac Indre

Ajout manuscrit :

1939-1940

Capitaine AUCHER service géographique de l’Armée (suite de la ligne illisible)

Lieutenant SIBILLAT actuellement service géographique de l’Armée

 

Démobilisé le 16 août 1940, DAUDET recherche situation qu’il ne trouve pas.

Attend des mois puis fin novembre 1940, rencontre FARGE un des membres d’une coopérative ouvrière lequel l’informe qu’il recherche pour un journal dont il est l’un des associés un administrateur-gérant.

LA FRANCE AU TRAVAIL. Le journal s’appelait LA FRANCE AU TRAVAIL société à responsabilité limitée et avait pour associés FARGE – HAMEL et PICARD.

DAUDET accepte le poste administratif qui lui est offert à la condition qu’il obtienne des 3 associés carte blanche pour tenter l’éviction de l’équipe pro-nazie du journal et son remplacement par une équipe indiscutablement française.

Les 3 associés ayant accepté DAUDET entre en fonctions et commence à mettre les comptes en ordre, l’équipe pro-nazie c’étant livrée à un pillage en règle de la caisse. Puis il engage la bataille contre l’équipe rédactionnelle dont le chef était Georges OLTRAMARRE dit Charles DIEUDONNE.

DAUDET assuré du concours de René SAIVE et Paul ACHARD remplace Charles DIEUDONNE par ce dernier et toute l’équipe par une nouvelle équipe de L’ORDRE et de CE SOIR. Le ton du journal change aussitôt.

Citons parmi les limogés DUVAL, Jean DRAULT, Paul Julien COURTINE… etc. (ajout manuscrit : COSTON)

Mais financièrement l’affaire était mauvaise, le titre grevé d’une lourde hypothèque.

Par ailleurs la présence d’un journal qui fasse échec au reste de la presse paraissait souhaitable.

 

C’est dans ces conditions que furent demandés des fonds à Pierre LAVAL pour la création d’un grand journal populaire tout entier attaché à la cause ouvrière. L’équipe rédactionnelle de base était toute trouvée, c’était celle de la FRANCE au TRAVAIL avec comme chef de file PAUL ACHARD.

 

LA FRANCE SOCIALISTE. Le lancement du journal se prépare, tout est en bonne voie, lorsque coup sur coup deux exigences des autorités viennent saper le travail entrepris.

Exigence N°1. Robert BOBIN rédacteur en Chef au lieu et place de Paul ACHARD

Exigence N°2. Création d’une Direction politique avec comme titulaire René CHATEAU et d’un poste de Directeur Général adjoint titulaire DESPHILIPPONS et entrée avec eux de toute l’équipe politique de FRANCE EUROPE dont ils étaient les dirigeants.

Ces exigences émanant des Allemands rendaient suspectes au premier chef les personnes précitées. Il y avait deux solutions. Ou bien tout lâcher ou bien accepter pour se débarrasser ensuite des Messieurs Imposés. On s’en tint à cette dernière, l’adjoint de Paul ACHARD restant en place, René SAIVE prenant le Secrétariat Général du journal.

Le journal fut lancé le 10 novembre 1941. Dans le mois qui suivit toute l’équipe politique de FRANCE-EUROPE avec DESPHILIPPONS était liquidée.

Restait René CHATEAU et Robert BOBIN.

Six mois plus tard, ce fut le tour de René CHATEAU à la succession duquel après quelques mois fut appelée Hubert LAGARDELLE.

Restait Robert BOBIN qui malgré tous les efforts de DAUDET se maintint jusqu’à la fin.

A noter que DAUDET n’avait que des fonctions administratives malgré son titre de Directeur Général. Les Directeurs politiques successifs ayant été René CHATEAU et Hubert LAGARDELLE.

A noter également que malgré cela il ne se fit jamais faute de faire à CHATEAU les remontrances qui s’imposaient moins pour ses articles signés que pour les éditoriaux FRANCE SOCIALISTE qui étaient son œuvre. Idem à Robert BOBIN pour la composition des titres, l’importance qui leur était attribuée, le choix et la couverture des reportages, dans la mesure toutefois où la censure n’avait rien imposé et où il était impossible de discuter ou de tricher avec elle.

 

L’EFFORT. Au cours de l’année 1942 apprenant que les Allemands allaient par le truchement de l’ex-parlementaire Paul RIVES mettre la main sur le journal l’EFFORT journal socialiste dirigé par SPINASSE et paraissant à Lyon, DAUDET fait à ce journal sur la caisse de la FRANCE SOCIALISTE l’avance de fonds nécessaire pour lui éviter de sombrer et par la suite acquiert pour la FRANCE SOCIALISTE la majorité des actions de ce journal.

En lutte constante dans ce journal avec Paul RIVES dont il souhaitait se débarrasser ce qu’il ne réalisa que plus tard, il chargea d’abord le correspondant de VICHY de la FRANCE SOCIALISTE M. Pierre PIBUCHOT puis M. René SAIVE de représenter à LYON la Direction Générale et de mener la guerre à Paul RIVES en pré-censurant ses articles en les différant, en usant de tous moyens couvrant ses 2 représentants de son autorité.

Puis Paul RIVES liquidé la Direction Générale fut confiée à M. Bernard ENZIER qui la détint jusqu’à la fin.

A noter que Paul RIVES s’avouait le protégé des Allemands, qu’il s’en glorifiait et menaçait fréquemment les collaborateurs du journal et DAUDET de leur faire avoir des « histoires » avec les Allemands. Il avait d’ailleurs plusieurs créatures à lui dans la maison. Découvert par DAUDET l’une d’elles fut remerciée. L’autre ne lui fut connue que plus tard après fin de parution du journal.

 

ACTION PERSONNELLE DE DAUDET DANS CES 3 journaux.

  • à LA France AU TRAVAIL Liquidation de toute l’équipe pro-nazie dont il est fait mention plus haut et dont le chef était Georges OLTRAMARRE, dit Charles DIEUDONNE, et son remplacement par une équipe de L’ORDRE et de CE SOIR dont entre autres 2 représentants RENE SAIVE et PAUL ACHARD sont actuellement collaborateurs et pourraient apporter leur témoignage :

Un fait entre autres pour souligner l’action de DAUDET. Ayant appris par Paul ACHARD que des rédacteurs du journal avaient apposé des croix gammées sur les murs de la salle de rédaction, il fit réunir tous les rédacteurs et en présence de Paul ACHARD les informa qu’il remercierait les responsables s’ils étaient découverts et ceux qui se livreraient à l’avenir à des démonstrations de cet ordre.

  • à LA FRANCE SOCIALISTE Se refusa à faire de la publicité à l’exposition anti-bolchevique, se refusa à prendre la publicité de DORIOT – en une seule fois pour plus de cent mille francs etc… Délivra de faux certificats de Travail, au frère d’un de ses collaborateurs AUCOUTURIER, à un agent secret Georges VENTILLARD, à un jeune étudiant André SAUZIN, évita de justesse l’envoi comme travailleur en Allemagne d’un masseur officiel de la Fédération de Cyclisme STRABONI. Intervint pour son chef correcteur communiste avoué et reconnu arrêté par la police française, fait payer ses appointements à sa femme pendant jusqu’à sa libération qu’il n’obtint que par une lettre de DAUDET se portant garant pour lui (ajout manuscrit : Pierre CAMUS, actuellement rédacteur à l’Humanité)

Inspire les articles de CHATEAU contre SUAREZ et DEAT.

Obtient la liquidation des Messieurs Imposés – BOBIN exclu-

Sous le couvert de deux manifestations sportives le CIRCUIT DE FRANCE course cycliste en 6 étapes 1700 km en 1942 et le LE CIRCUIT DE BELGIQUE, la première organisée et financée par son journal, pour la seconde la participation nationale étant assurée et financée toujours par son journal essaie de faire revivre et de perpétrer la tradition sportive nationale en exaltant les sentiments français. Idem pour PARIS-BRUXELLES 1943.

  • à l’EFFORT combat l’action pro-nazie de Paul Rives directement ou par l’intermédiaire de ses représentants. Fait payer à la femme du pointeur du journal arrêté pour distribution de tracts anti-nazis – BLITZ – ses appointements pendant son incarcération, n’interrompt que sur injonction des autorités allemandes alertées par RIVES, mais s’inscrit en tête de liste d’une souscription faite en faveur de la femme de BLITZ

 

ACTION AU GROUPEMENT CORPORATIF DE LA PRESSE à PARIS

Combat l’action de LUCHAIRE à de nombreuses reprises. En particulier refuse de laisser insérer un communiqué traitant les alliés de puissances ennemies.

Président de la Commission de Concentration Industrielle, en réalité destinée comme les autres commissions à fournir de la main d’œuvre aux Allemands ne la réunit que 2 fois en plusieurs mois sans qu’il résulte de décision favorable de ces réunions. Délègue aux représentants ouvriers toujours en place ses pouvoirs de contrôle dont ils usèrent au mieux des intérêts ouvriers. (ajout manuscrit : BAZIGNAN et LARGENTIER)

Discute pied à pied de cette concentration lorsqu’elle affecte en particulier le journal. Obtient une première fois gain de cause et une seconde en partie gain de cause, puisque, après avoir gardé son imprimerie il obtient de garder tout son personnel.

Refuse d’associer sa signature au fameux manifeste politique et de presse par lequel passant par-dessus le gouvernement du Maréchal un certain nombre d’hommes politiques et de Directeurs de journaux demandaient aux Allemands de contraindre le Maréchal à une politique en fait nationale-socialiste.

 

Note non datée, signée DAUDET, 181 rue Legendre.

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