Tentative d’extorsion de fonds de 1938 – Arrêt de la Cour d’appel du 11 mars 1943

Archives de Paris, 31W55

Arrêt rendu le 11 mars 1943

par la Cour d’Appel de Paris

chambre correctionnelle

 

Entre les nommés

 

  • DAUDET Georges, Adrien, Valentin, né le 11 mars 1902 à Chaillac (Indre) de Adrien et de Valentine Beaudet, ingénieur, Paris 9 rue du Retro
  • VERNAY Pierre, Théodore, Robert, né le 1er mars 1909 à Limace (Chili) de Pierre et de Thérèse Berquin, employé de commerce, Paris 77 Bd Beaumarchais
  • PERRIN Suzanne épouse Vernay, née le 24 décembre 1905 à Saint-Quentin (Aisne) de Fernand et de Jeanne Déjoue, sup., Paris 77 Bd Beaumarchais

 

Prévenus, libres, défendeurs, intimés, Daudet appelant, comparants.

Daudet assisté de Me A. Berthon

d’une part

 

Et M. le Procureur de la République au Tribunal de la Seine plaignant, demandeur, appelant

Et la Société Anonyme des Grandes Marques Réunies agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué le sieur Godeau Hubert élisant domicile au siège de ladite société 19 rue Jean Beausert ( ?) à Paris.

Plaignant, demandeur, partie civile, intimé, représenté par conclusions de Me Starck avocat

d’autre part

 

En présence de M. le Procureur général

Le dénommé Daudet le 24 décembre 1941 et le Ministère public à la même date et tous les prévenus ont relevé appel d’un jugement rendu le 16 décembre 1941 par le Tribunal Correctionnel de la Seine (13ème ch.) par lequel et par les motifs y exprimés le Tribunal a relaxé Vernay et la dame Vernay des fins de la poursuite sans dépens, et a déclaré Daudet coupable de tentative d’extorsion de fonds, délit commis à Paris en 1938 prévu et puni par les articles 2, 3, 401 du Code Pénal et par application des articles précités, combinés toutefois à raison des circonstances atténuantes avec l’article 463 du Code Pénal, a condamné Daudet à cinquante francs d’amende.

Et statuant sur les conclusions de la partie civile

a condamné Daudet par toutes voies de droit et même par corps à payer au sieur Godeau es qualité la somme de un franc à titre de dommages-intérêts.

L’a condamné aux dépens lesquels sont liquidés à savoir : pour ceux prélevés sur la consignation à la somme de 14,50 francs, et pour ceux avancés par le Trésor à 3530,30 francs plus 7,50 francs pour droits de poste,

A fixé au minimum la durée de la contrainte par corps.

L’affaire portée à l’audience publique de la Cour au 21 janvier 1948, à l’appel de la cause Me Starck,

Ouï M le Conseiller Roussel en son rapport, Daudet et Vernay en leurs moyens de défense, Me ( ?) avocat de Daudet en ses conclusions et plaidoirie et l’affaire a été renvoyée au 18 février 1943 en ( ?)

Et à l’audience publique de la Cour du 18 février ouï la dame Vernay en ses moyens de défense, Me Clark avocat de la partie civile en ses conclusions et plaidoirie et M. Céride substitut de M. le Procureur Général en ses réquisitions et l’affaire a été mise en délibéré pour l’arrêt être rendu le 11 mars 1943.

Et à l’audience publique de la Cour de ce ( ?) 11 mars 1943 composée comme à l’audience publique du 21 janvier et 18 février 1943.

Vu toutes les pièces du dossier et vidant son délibéré.

La Cour

Statuant sur les appels interjetés par Daudet et le Ministère Public ensemble sur les conclusions du sieur Godeau partie civile intimé tendant à la confirmation du jugement entrepris et y faisant droit,

 

Adoptant sur l’exposé des faits les motifs des premiers juges :

 

  • Sur l’inculpation de tentative d’extorsion de fonds

Considérant que Daudet soutient que loin d’avoir cherché à réaliser un gain illicite il a agi en journaliste désintéressé, désireux de mettre fin à des abus à lui dénoncés sous le sceau d’un prétendu secret professionnel ;

mais considérant que cet inculpé s’est présenté à Godeau comme un véritable agent d’affaires, chargé des intérêts de nombreux clients des Grandes Marques Réunies, 9 nommément désignés et 32 tenus en réserve, observation faite qu’il n’a pu justifier que d’un seul mandat émanant d’un sieur Nicolas ;

qu’aucun doute ne peut subsister à ce sujet au vu de la circulaire en date du 3 septembre 1938 par lui remise à Godeau et commençant par ces mots « Monsieur et Cher Client » ;

considérant que sous la menace de poursuites judiciaires et d’une campagne de presse révélant au public les manœuvres coupables et les malversations employées par les représentants des Grandes Marques Réunies auprès de la clientèle, Daudet a exigé à deux reprises de Godeau le versement d’une somme de 19500 francs ;

qu’il a agi avec connaissance voulant contraindre sa victime à faire une remise de fonds en pesant sur sa volonté par la menace de révélations de faits diffamatoires ;

que le fait de cupidité illégitime se rencontre en l’espèce, Daudet ayant mis son silence à prix d’argent avec la pensée de toucher partie ou totalité des sommes indûment réclamées ;

considérant que la tentative a été manifestée par un commencement d’exécution : télégramme et coup de téléphone du 3 septembre 1938 rappelant Godeau à Paris, visites au bureau de ce dernier les 4 et 5 du même mois au cours desquelles ont été réclamé la somme de 19500 francs, pneumatiques des 6 et 8 septembre 1938 menaçant de poursuites en justice ;

que cette tentative n’a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur, la personne objet de la menace ayant refusé de faire la remise qu’on prétendait exiger d’elle.

 

  • Sur l’inculpation de complicité de tentative d’extorsion de fonds

Considérant que Vernay et la dame Vernay ont été inculpés et renvoyés en police correctionnelle de ce chef, au vu d’une première expertise officieuse qui faisait apparaître Vernay comme l’expéditeur du télégramme rappelant Godeau à Paris ;

mais considérant que l’expertise ordonnée par la juridiction du jugement établit que ce télégramme émane de Daudet, qui s’en reconnaît l’auteur ;

que dans ces conditions quelles que soient les présomptions qui pèsent sur les époux Vernay, il n’est pas impossible que Daudet, comme il le prétend, tienne les renseignements dont il a fait usage d’un autre employé congédié dont il se refuse à donner l’identité ;

que par suite la décision de relaxe apparaît justifiée.

 

  • Sur l’application de la peine

Considérant qu’en raison des circonstances de la cause il échet, tout en ne maintenant contre Daudet qu’une pénalité d’amende, de lui faire une application plus ferme de la loi.

 

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges.

En ce qui concerne Daudet

Elève à cinq cents francs la peine d’amende.

Maintient les condamnations civiles.

En ce qui concerne les époux Vernay

Confirme la décision de relaxe.

Condamne Daudet aux dépens liquidés savoir : ceux avancés par lui à 37,30 francs, ceux avancés par le Trésor à 610,50 francs plus 13 francs pour droits de poste.

Fixe au maximum la durée de la contrainte par corps.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *